Mémoire d'un continent

Dès le Jour de l’an 1960, le Cameroun est le premier pays à ouvrir la longue parade des indépendances de l’année africaine. Le Cameroun, un pays à part à tous points de vue. Protectorat allemand, puis mandat de la Société des Nations, enfin pays sous tutelle de l’ONU, il n’a jamais été une « colonie ». C’est aussi sur son sol qu’a eu lieu la première « guerre de libération » de l’Afrique noire française sous l’impulsion de l’UPC (Union des Populations Cameroun) et de Ruben Um Nyobe. Deux autres personnalités vont émerger sur la scène politique : André-Marie Mbida, puis Ahmadou Ahidjo, chacun avec ses propres bases sociales et avec sa stratégie. Une lutte acharnée sur tous les plans, dans laquelle Um Nyobe perdra la vie et dont le Cameroun sortira indépendant, sous la houlette d’Ahmadou Ahidjo. ► À lire aussi : Au Cameroun, la mémoire meurtrie d’une indépendance néocolonialeIndépendance du Cameroun: «Un tour de passe-passe de l'administration française»

Comment la colonie du Soudan Français, au nom arabe (Bilal-al-Sudan, Le Pays des Noirs) chargé de mythes divers, est-il devenu l’État du Mali ? Émission initialement diffusée le 18/09/2010. Le fameux Congrès de Bamako, qui a vu naître le RDA (Rassemblement Démocratique Africain) en 1946, invitait les Soudanais à prendre les rênes du mouvement d’émancipation politique en Afrique de l’Ouest. Tel fut le rôle de Modibo Keïta, maître du jeu politique après 10 années d’affrontements (1946-1956) entre les « vieux » Fily Dabo Sissoko et Mamadou Konaté. Son projet d’une grande fédération politique, sur le modèle de l’ancien empire du Mali, a cependant échoué, victime des particularismes territoriaux. Comme ailleurs en Afrique, le Mali indépendant n’a pas dépassé les frontières issues de la colonisation.

Dans toutes les guerres, les vainqueurs pillent et s’approprient les trésors et les œuvres d’art des vaincus. Mais, en, Afrique, ce pillage, devenu une véritable industrie, a atteint des proportions inimaginables. A Tervuren, dans la proche banlieue de Bruxelles, le siège de l’Union Européenne, se trouve le MRAC (Musée Royal d’Afrique Centrale). Directement issu de l’Exposition Universelle organisée à Bruxelles en 1897, cette institution est aujourd’hui l’un des plus grands musées d’art et centre d’archives sur l’Afrique au monde. Y a-t-il eu « pillage » aux dépens des Africains ? Oui, répondent les responsables. Faut-il restituer les œuvres ? Sans aucun doute ! Mais comment procéder ? Avec Guido Gryseels, directeur du Musée. Avec Guido Gryseels, directeur du MRAC.

Proclamé docteur en médecine à l’Université de Paris en 1963, Diomi Mawesa Pierre choisit de regagner aussitôt le Congo Kinshasa. Les urgences médicales ne se comptent pas et le nombre des médecins notoirement insuffisant. Il est sur tous les fronts. Au cours d’une mission d’inspection dans la région de Gbadolite, où est né le président Mobutu, il découvre les ravages du goître et organise avec succès une vaste campagne d’élimination de cette maladie. Mobutu en fait aussitôt son médecin personnel. Parallèlement, il forme à l’Université des légions de médecins, aujourd’hui dispersés à travers le monde, notamment en Afrique du Sud. Un monument de savoir, de compétence professionnelle et dévouement à la cause du peuple.

A près de 87 ans, le docteur Diomi a derrière lui une carrière exceptionnelle et combien instructive qui l’a conduit, entre autres charges, à être le médecin personnel du président Mobutu pendant près de 30 ans. S’il est né en 1931 à Léopoldville (Kinshasa) au cœur du système colonial belge réputé pour ses discriminations raciales, c’est en retournant à la campagne qu’il a pu faire de bonnes études primaires, puis accéder à l’école de formation des « assistants médicaux », le plus haut degré qu’un Noir pouvait atteindre dans la colonie belge. Invité à Bruxelles avec d’autres Congolais, il réussit à gagner Paris et à entrer à La Sorbonne d’où il sort médecin.

Du Congo Kinshasa au Cameroun en passant la République Centrafricaine, l’Afrique a perdu, en trois ans seulement, quatre de ses dirigeants les plus visionnaires et les plus prestigieux à l’heure des indépendances. Un hasard ? Certainement pas ! Liées sans aucun doute à des conflits internes, ces morts en cascade sont aussi la conséquence d’une situation internationale critique : la volonté des anciennes puissances coloniales de ne rien perdre de leurs avantages acquis ; une Organisation des Nations unies si impuissante qu’elle voir mourir en Afrique son secrétaire général, Dag Hammarskjöld, dans un mystérieux accident d’avion ; l’Afrique indépendante enfin, divisée, si peu désireuse et si incapable d’agir. Avec Karine Ramondy, professeure, docteure en Histoire. (Rediffusion du 25 février 2018).

De 1956 à 1962, les indépendances africaines ont été l’un des tournants de l’histoire du XXème siècle. Jamais on n’avait vu autant d’Etats accéder à la souveraineté internationale en si peu de temps. Mais, le revers de médaille est saisissant. Rarement, on avait vu autant de dirigeants politiques mourir de mort violente, presque toujours d’assassinats. Des corps manipulés dans tous les sens, des mémoires déformées à dessein, comme pour les faire mourir deux, trois, quatre fois ! Une historienne éclaire cette tragédie continentale d’éléments nouveaux et d’un saisissant regard multidimensionnel. Question : comment construire la nation après de tels crimes ? Avec Karine Ramondy, professeure, docteure en Histoire.

Cent ans après la fin de la « Guerre mondiale », on n’en finit pas d’évaluer la part et le rôle de l’Afrique. Son rôle s’est-il seulement limité à fournir aux belligérants les soldats et les matières premières ? Non, l’Afrique a été aussi l’un des enjeux méconnus de ce conflit. Loin d’avoir calmé les appétits, la Conférence de Berlin a accéléré « la course au clocher » en Afrique. La guerre menace partout entre les puissances. Nouvelle venue sur la scène africaine, Berlin veut sa part du gâteau: la Mittel Africa ce qui correspond à toute l’Afrique centrale, du Cameroun à la côte swahilie ! Au cœur des débats, les matières premières, caoutchouc, or, cuivre, cobalt… Une longue affaire qui commence. Avec Pamphile Mabiala Mantuba-Ngoma, professeur à l'Université de Kinshasa et titulaire de la chaire de Muséologie et d’Histoire de l’Art Africain.

La Veneta, nom d’un poison qui a ravagé les arbres de Marseille, est un roman d’une véracité saisissante sur l’histoire du Cameroun et des Camerounais. Une histoire qui commence en 1914-1916, au temps des colonisateurs allemands et qui se termine en 2045 ! Le temps fort de cette histoire concerne les années tragiques de la guerre d’indépendance menée par l’Union des Populations du Cameroun et de La Veneta, la terrible répression organisée par le pouvoir colonial. Des personnages inventés mais vraisemblables. Un récit à vous couper le souffle, imaginé et construit par un romancier parfaitement informé des événements douloureux d’une indépendance gâchée. Avec Victor Bouadjio, auteur de La Veneta édité par Balland à Paris.

Où en est l’agriculture africaine aujourd’hui, près de 60 ans après les indépendances et au milieu des turbulences démocratiques ? Elle ne se porte pas si mal ! Et les perspectives ne sont pas tellement mauvaises, à voir comment toutes les autres issues auxquelles se présentent les jeunes sont bouchées. Pour les jeunes, le mot d’ordre est donc clair. Retour à la terre, trop longtemps négligée par les politiciens et si riche de potentialités. Voici déjà une première success-story, à la fois burkinabè et continentale. C’est du panafricanisme en acte, résolu, innovateur, volontariste et conquérant dans le contexte de la mondialisation. Avec Innoussa Maïga, fondateur et promoteur d’Agrobusiness TV, une web TV au service de l’agriculture.

Bamenda, décembre 2017, des violences inouïes. Depuis, on ne parle que de ça : « la crise anglophone » ! Comment vivre ensemble ? Voici une « nation » qui a subi l’unique domination allemande, pour se trouver partagée entre deux puissances aussi différentes que la France et le Royaume-Uni. Et tout cela sous les régimes bizarres de « mandats » de la Société des nations et de « territoires sous tutelle » de l’ONU ! Plus encore : comment s’en sortir quand, après l’expérience prometteuse de la « République fédérale », les dirigeants du Cameroun indépendant ont décidé de basculer dans la « République unie » ? Telle est l’équation de la crise anglophone au Cameroun, une crise longue, qui bien sûr n’a rien de « linguistique ». Avec la professeure Bouopda Pierre Kamé, auteur de La crise anglophone au Cameroun, chez L’Harmattan.

Voici encore un des effets pervers du colonialisme. Au sortir de la Première Guerre mondiale, la Société des nations, ancêtre directe de notre ONU, a cru bien faire de partager le Cameroun, ancienne possession de l’Allemagne vaincue, entre les vainqueurs, France et Royaume-Uni ! Pendant plus de 40 ans, le Cameroun sera coupé en deux, soumis à deux régimes coloniaux très différents dans presque tous les domaines ! Malgré les mises en garde et les demandes des élites camerounaises dès les années 1930, ce double régime va durer jusqu’à l’indépendance. Un double héritage institutionnel, juridique, politique et intellectuel, lourd à porter, très difficile à gérer. Avec la professeure Bouopda Pierre Kamé, auteur de La crise anglophone au Cameroun, chez L’Harmattan.

La mondialisation, comme concept inédit ou comme phénomène inédit dans l’histoire de l’humanité, est loin de faire l’unanimité. C’est d’abord en Occident et depuis l’Occident qu’elle s’est mise en branle et a été théorisée comme une dynamique nouvelle, inévitable et plutôt positive par certains, violemment rejetée par d’autres. Face aux déséquilibres et aux drames collectifs liés à la « mondialisation » et qui secouent beaucoup de pays africains, la « jeune garde » de l’histoire et des sciences sociales apporte désormais une contribution innovante au débat théorique sur la mondialisation et à la recherche de solutions libératrices. Avec Junior Kabuika Tshipata, docteur en Sciences politiques.

Les historiens avaient forgé le concept d’« économie-monde ». Depuis une trentaine d’années a surgi la notion de « mondialisation », maniée surtout par les spécialistes d’économie, de science politique et de relations internationales. Malgré les critiques de spécialistes et d’hommes d’Etat, cette notion renvoie à des réalités contraignantes dont presque tous les Etats africains font douloureusement l’expérience. Au premier rang vient la République démocratique du Congo, chargée d’une terrible histoire coloniale depuis le temps du roi des Belges Léopold II et exposée aujourd’hui à un mélange détonnant de pillage économique, d’agressions extérieures et de blocages sociaux et politiques. Avec Junior Kabuika Tshipata, docteur en Sciences politiques.

Le sort de l’Afrique indépendante ne s’est-il pas décidé au Congo, pendant les années 1960 ? A gauche, voici les tenants de « la révolution », paysans appauvris, activistes vieux et jeunes, comme un certain Laurent-Désiré Kabila, tous engagés dans une « guerre populaire » qui attire, au Congo, Che Guevara et ses compagnons cubains. A droite, les intérêts miniers, les services secrets belges et américains, habiles à retourner des cadres locaux, dont Joseph-Désiré Mobutu, ancien soldat-journaliste de la Force Publique coloniale, muté en fossoyeur de l’indépendance. Une des pages les plus saisissantes de l’histoire contemporaine. Avec Ludo De Witte, auteur de L’ascension de Mobutu. Comment la Belgique et les USA ont installé une dictature (Bruxelles, Investig’Action, 2017).

Elikia Mbokolo reçoit Ludo De Witte, chercheur, historien, sociologue et écrivain belge pour parler de l’histoire du Congo, à travers son dernier livre « L’Ascension de Mobutu, comment la Belgique et les USA ont fabriqué une dictature ». Mai 1960. Patrice Lumumba remporte haut la main les premières élections du Congo indépendant. Il devient Premier ministre. Pour le pays le plus riche du monde en matières premières, l’espoir se lève d’une société plus juste et d’un bien-être pour tous. Novembre 1965. Le général Joseph-Désiré Mobutu s’empare du pouvoir absolu. Dix années d’entretiens inédits et d’investigations dans les archives belges, britanniques, US et congolaises lui permettent de dévoiler une vérité indésirable mais implacable. L’Ascension de Mobutu, Par Ludo De Witte, InvestigAction.

Pour tant de jeunes et de moins jeunes réunis, à Bamako, pour la Rentrée Littéraire du Mali, l’histoire de l’Afrique ne saurait être l’affaire des seuls historiens. Trop de questions subsistent en effet à son sujet. Comment expliquer et comment combattre la persistance des préjugés qui nient l’historicité des sociétés africaines ? Comment écrire, comment enseigner cette histoire, et dans quelle(s) langue(s), africaines ou étrangères ? Et l’histoire en train de se faire, peut-on écrire ? Quelle est la contribution de l’Afrique à la résolution des problèmes actuels du continent et de ses diasporas ? Avec Augustin Hol, professeur à l’Université de Xiamen (Chine).

Une fois élaborée et écrite par les spécialistes, l’histoire ne doit pas moisir sur les rayons des bibliothèques. Elle a vocation à être enseignée, sous les formes les plus variées : livres scolaires, thèses savantes, romans, récits, théâtre, films, chants, bandes dessinées, etc. Les Africains doivent assumer pleinement leur africanité. Aussi, les chefs d’Etat réunis à Khartoum en 2006 ont-ils adopté la « Charte de la Renaissance Culturelle Africaine ». Celle-ci invite tous les Etats de l’Union Africaine à enseigner la même histoire à leurs citoyens, sur la base de l’Histoire générale de l’Afrique publiée par l’UNESCO. Une grande aventure, unique en son genre, destinée à façonner les Africains de demain. Avec Augustin Hol, professeur à l’Université de Xiamen (Chine).

Pour ses dix ans, la « Rentrée Littéraire du Mali » a invité l’histoire pour échanger et débattre avec les autres professions littéraires. Quand, où et comment l’Afrique est-elle racontée ? Premier constat, l’Afrique s’est toujours racontée à elle-même, y compris dans les situations les plus tragiques : à preuve, l’extraordinaire foisonnement des prises de parole africaines au cœur de l’esclavage aux Amériques. La littérature orale et écrite a suivi, jusqu’à ce jour. Les autres aussi ont raconté l’Afrique, à leur manière. Dans le sillage d’Ahmed Baba, le savant de Tombouctou, les historiens ont suivi jusqu’à donner à l’Afrique et au monde la monumentale Histoire Générale de l’Afrique. Avec Augustin Hol, professeur à l’Université de Xiamen (Chine).

Du Congo Kinshasa au Cameroun en passant la République centrafricaine, l’Afrique a perdu, en trois ans seulement, quatre de ses dirigeants les plus visionnaires et les plus prestigieux à l’heure des indépendances. Un hasard ? Certainement pas ! Liées sans aucun doute à des conflits internes, ces morts en cascade sont aussi la conséquence d’une situation internationale critique : la volonté des anciennes puissances coloniales de ne rien perdre de leurs avantages acquis ; une Organisation des Nations unies si impuissante qu’elle voir mourir en Afrique son secrétaire général, Dag Hammarskjöld, dans un mystérieux accident d’avion ; l’Afrique indépendante enfin, divisée, si peu désireuse et si incapable d’agir. Avec Karine Ramondy, professeure, docteure en histoire.