Mission encre noire
Arts & Culture Podcasts
Mission encre noire parle de littérature tous les mardis soir en direct à 19h00 sur Choq.ca et vous donne l'envie de lire
Location:
Montreal, QC
Genres:
Arts & Culture Podcasts
Description:
Mission encre noire parle de littérature tous les mardis soir en direct à 19h00 sur Choq.ca et vous donne l'envie de lire
Language:
French
Website:
http://www.choq.ca/
Episodes
Émission du 27 juin 2023
6/27/2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: « Je m'appelle Roxane et j'ai 27 ans. 27 ans, c'est l'espérance de vie que la communauté trans s'attribue à cause d'une fausse statistique virale sur internet. J'ai, par le passé, cherché à en trouver l'origine, rencontrant différentes variations à chaque strate de mon excavation. Life expectancy of trans people is 27 years old. Life expectancy of trans women of color is 27 years old. Life expectancy of trans women who do sex work is 27 years old. Il se trouve que ce nombre vient d'un rapport de colloque citant l'approxima, soit l'estimation pessimiste d'une organisation d'Amérique latine à propos de l'âge moyen des femmes trans assassinées du secteur, souvent des travailleuses du sexe. Ce chiffre avait été généralisé à toutes les femmes trans des Américain.es qui y voyaient une occasion de mobilisation clé en main. Évidemment, une déconnexion avait été faite à partir de ce moment-là entre la réalité théorisée et celle, vécue, dans nos corps et devant nos yeux, coupant court à toute réponse organisée. Ce chiffre gonflé ne témoignait en rien des meurtres des femmes trans, d'où ils venaient et de ce qu'on ferait des prochains. Je m'appelle Roxanne et j'ai un âge de mort fantôme.» La Sainte Paix par André Marois paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Jacqueline a 74 ans, elle a mal partout c’est bien normal à son âge. Tandis que Tylenol et Advil se disputent le rôle du meilleur ami, elle observe une fois encore sa voisine, Mad Madeleine, aux jumelles. Les deux femmes se contentent de salutations polies depuis le décès de leurs maris. Rien de bien particulier les a maintenu éloignées cela dit. Chacune profite de son petit coin de paradis de part et d’autres de la Mastigouche. À ceci près que, le jour où Madeleine franchit le Rubicon qui sépare les deux propriétés, pour annoncer son intention de vendre sa maison, la donne change de main. Il s’agit d’une véritable déclaration de guerre. Qui va-donc déranger le climat si paisible de l’endroit? Une famille de citadin, avec parasol, barbecue, haut parleurs, badminton, spa, motocross et je ne sais quoi encore, pourrait débarquer subitement comme un chien dans un jeu de quille. Il n’en est pas question. Jamais. C’est juré craché estime Jacqueline. Quitte à passer sur le corps des autres. À la manière d’un Polar de type constricteur, La sainte paix bâtit avec élégance une intrigue qui peu à peu s’enroule autour du cou de son/sa lecteur/lectrice pour ne jamais le lâcher. Un brin pervers, après tout, qui peut bien penser que le meurtre fasse parti des activités de villégiature de nos aînées, quelques éclats de rire, des titres de chapitres hilarants, voici une bonne occasion de faire diversion avec vos activités quotidiennes harassantes. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, André Marois. Extrait: «...
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Émission du 6 juin 2023
6/6/2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol. Extrait: « Je choisis une vidéo. Cette fois, Anna a cédé la place à Anna Victoria, une grande poupée blonde à la voix aiguë, mais calme, assurée. Brittany est là aussi, elle se démène à l'arrière et je m'impatiente ; je ne l'ai jamais aimée. Le décor du studio d'enregistrement a changé : le mur du fond est parfaitement blanc et lisse, à l'exception de moulures élégantes qui le découpent. Les autres éléments du décor sont dépareillés : des fleurs sur les Leggings, des motifs psychédéliques sur les tapis. Je me fraie un chemin parmi mes objets, éparpillés dans la chambre. Mon tapis sert de radeau parmi les boites, pourtant je ne possède pas grand-chose : des livres, des plantes et un peu de vaisselle. « Engagez vos fessiers», dit Anna Victoria pour me rappeler à l'ordre. « Imaginez que vous tenez un sou entre vos fesses et que votre vie en dépend, OK ? C'est à ce point-là que vous devez les serrer.» Je pense fort à ce sou imaginaire, ce que je possède de plus précieux.»
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Émission du 23 mai 2023
5/23/2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier. Extrait: « D'un côté, il y avait Helen Klaben, cette jeune femme de Brooklyn qui rêvait aux grands espaces. De l'autre, il y avait Ambrose Bierce au seuil de la mort, croupissant dans un lieu exigu aux murs humides et suintants. Entre les deux, Alexandra oscillait constamment. Klaben avait de l'ambition, elle voyait grand, elle sentait au plus profond de son être qu'elle avait quelque chose à apporter au monde. L'expérience de l'écrasement, de la survie en forêt, si extrême qu'elle eût été, n'était qu'un tremplin vers une plus grande conscience du monde et de la place qu'elle y occupait. Bierce aussi avait eu de l'ambition, bien sûr, il avait lui aussi voulu vivre de grandes choses: il avait été soldat durant la guerre civile, il en était ressorti écrivain ; il avait été chroniqueur et humoriste pour des feuilles de chou, il en était ressorti aigri. À soixante et onze ans, la moustache blanche et les cheveux clairsemés, il était parti à cheval vers une autre guerre civile, et il en était ressorti avec quoi ? Avec une tête coupée et des ennemis mangeurs d'hommes. Ce qui les rapprochait, ces deux-là, c'était leur rapport ambigu avec la prédestination. Cette impression souveraine, implacable, honteuse, parfois, qu'ils avaient été destinés à de grandes choses. Helen avait, en quelque sorte, rêvé à son accident et à sa survie. Ambrose avait en quelque sorte, fantasmé sa disparition et sa persécution.» Trop de Pascale par Pascale Bérubé paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. Qui es-tu Pascale? Ou plutôt qui aimerais-tu être? Qu’est-ce qui te définit vraiment? Serais-ce le reflet d’une mère aimée, celui d'un vêtement, d'une image, un code numérique, une star de ciné? Quelle identité saisir lorsque l’on passe autant de temps devant des écrans? Qu’est-ce que cela creuse en nous qui nous sépare de l’enfance? Qui est, alors, ce visage reconnue dans la glace du miroir? Que faire de tout ce vide qui nous entoure soudain au détour d’une image numérique froide et figée dans son code? Surtout si l’on refuse de se conformer à tous ces visages calculés à la mesure des désirs ordinaires? Comment exister lorsque l’on préfère à une image lisse et entendue de la féminité, l’envie d’être une chienne savante ou non? Pascale, qui est-elle? Que sais-je? Qui suis-je? Pascale Bérubé signe ici un premier recueil magnétique qui explore les thématiques du corps, de l’image, de la beauté, de la féminité et de l’identité. Qui es-tu quand ton corps fait du cinéma, pour en savoir plus,...
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Émission du 16 mai 2023
5/16/2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré. Extrait: « Encore une fois tu célèbres la caresse pour amadouer le silence, le rendre moins sombre, le désarmer, Caresse, car tu crois en l'offrande des mains, printemps sur la peau, brise bleue, quelque chose comme une odeur de ciel douillet qui se lève, et le sol à vol d'oiseau, si fragile que tu voudrais le couvrir de forêts. Et tes doigts se moulent à la communauté des arbres, tel le poète tu écris, toi aussi tu écris arbre pour l'arbre, feuillu ou conifère qu'importe, tu ne crains pas les aiguilles. Avec les ans, tu as appris à te fabriquer une écorce, même mince, même trouée, et tu sens qu'elle te protégera, tu peux maintenant prendre le risque de la tendresse.» Le silence des braises par Alec Serra-Wagneur paru en 2023 aux éditions de la maison en feu. Au jeu de se perdre qui est le plus fort? À l’image du personnage de la première des huit nouvelles qui ouvre ce recueil, on a beau repasser une fois toute la liste des matériels de randonnées dans sa tête, ce qui compte en réalité c’est l’imprévu. Au final, c’est ce qui rend l’expérience unique, comme signer son nom sur une page vierge, pour dire cette histoire m’appartient. Or, la nature, ici, la forêt en particulier n’en a cure, elle peut être cruelle, et ces récits ne la concerne pas. Ces courtes histoires affectent le quotidien de femmes et d'hommes ordinaires. Au cœur de la forêt brûlée, le feu qui couve encore sous les braises, annonce un renouveau à venir, voir un prochain incendie dévastateur. Malgré elles/eux, il en va de même pour les divers protagonistes qui habitent ce premier de cordée littéraire. De la baie James, à la Haute-Mauricie, du Warren Island State Park, à celui du Prudhomme Lake, en Colombie-britannique, chaque personnage qui sera confronté à l’immensité de territoires sauvages devra tôt ou tard y sacrifier une part intime de lui-même. Si certain.e.s se découvriront un instinct de survie, d’autres renonceront. La plupart y auront peut-être trouvé une nouvelle compagne, comme une solitude éclairée. Je vous propose de vous engouffrer dans le creux du bois ce soir, à Mission encre noire, en compagnie d’Alec Serra-Wagneur. Extrait: « On mange le curry au tofu réhydraté en silence, nos visages éclairés par la flamme d'une chandelle. De l'autre côté de la pièce, le poêle ronronne toujours. La chaleur est encore plus agréable sans toute la boucane qui vient picoter les yeux. En haut de la tour de feu, Julia m'avait raconté qu'elle...
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Émission du 2 mai 2023
5/2/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay. Extrait:« Pas de doute, j'étais un poète. Je sais pas pourquoi je l'oubliais des fois d'ailleurs. Une chance que Dom était là pour me le rappeler souvent. Lui, il en était un, sûr et certain. Ou non, peut-être que Dom était plus un philosophe? Un peu des deux je pense. C'est normal, il est plus vieux que moi. Mais moi, poète, ça me suffisait depuis que j'avais découvert que je l'étais. C'est sûr que j'avais pas écrit grand-chose cet été, mais ça amoindrissait pas ma vraie nature. Tout est là, dans ma tête. Ça va sortir en temps et lieu. Une tête bien faîte, comme disait le Français de Dom, c'est là-dessus que je travaillais cet été. Il fallait que je montre à Val que j'étais détaché des choses d'ici-bas. Qu'il y avait une douve entre le monde et moi. Elle verrait combien je suis sensible et profond. J'ai botché ma clope et je suis rentré. À l'intérieur, Val me regardait les bras croisés. Comme je me sentais rougir en marchant, j'ai compensé en la regardant droit dans les yeux. Elle a souri. Moi aussi. Je suis passé derrière le comptoir et j'ai croisé un bras comme elle. Une minute a passé. Il y avait personne dans le magasin, personne aux pompes. Ça me prenait toute mon énergie pour m'empêcher de rompre le silence. Les choses d'ici-bas ne me font rien. Une douve. Une tranchée. Ne pas parler. Mais ça a payé. C'est elle qui l'a fait d'abord. Fak ? J'ai ri un peu. Je me suis gratté la joue et je me suis tourné vers elle.» Domaine Lilium par Michael Blum paru en 2023 aux éditions Héliotrope dans la collection Noir. Dan Katz Débarque à l’aéroport CDG pour faire des recherches pour écrire un livre d'architecture autour de l'histoire concentrationnaire. Il s'intéresse plus particulièrement à la cité de la Muette en banlieue parisienne. Un lieu qui a tour à tour joué le rôle d’habitat social moderne, d’internement sous l’occupation nazie, caserne de gendarmes puis de HLM. Ses passeports israélien et canadiens, lui permettent de voyager sans trop de problème pour compléter ses enquêtes. À travers les archives, il découvre la responsabilité du lieutenant de gendarmerie Henri Cannac dans la torture et la déportation de ses grands-parents. Joseph et sa femme Colette sont parmi les mille déportés du convoi numéro 57 du 18 juillet 1943. Si Henri est décédé depuis longtemps, son petit-fils, lui, sévit encore, à la tête du Parti de la France. La tentation est grande de lui faire payer les exactions de la famille, même si, à lui-seul, le petit gendarme ne peut être tenu...
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Émission du 25 avril 2023
4/25/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil. Extrait:« Vue de l'extérieur, une communauté intentionnelle est un lieu de vie plutôt classique. En regardant à travers nos fenêtres, vous pourriez voir que nous menons des activités peu différentes de celles qui ponctuent le quotidien de nos voisin.e.s : on fait à souper, on écoute la télé, on passe le balai, on prend un verre après le travail...Vue de l'extérieur, notre vie est généralement plutôt banale. Ne soyez pas berné.es. Les communautés intentionnelles sont un lieu d'effervescence. Le simple fait de vivre ensemble selon un modèle hors norme nous amène à poser des gestes qui ont un impact majeur sur nos habitudes de vie. En vivant ainsi, nous offrons des solutions concrètes à des défis auxquels nous devons tous et toutes faire face quotidiennement: les effets du vieillissement de la population, le travail d'élever des enfants, les maladies soudaines et les épidémies, la disparition du couple nucléaire et bien d'autres. Nous réinventons la manière de tenir notre logis en ordre et de préparer à souper et, avec ça, nous trouvons des solutions à la crise climatique et aux inégalités systémiques. Vous ne me croyez pas ? Attachez votre ceinture.» Motifs raisonnables, dix ans d’affiches politiques par Clément de Gaulejac paru en 2023 aux éditions Écosociété. Parmi les effluves de gaz lacrymo, de claquements incessant de casseroles, de bouts de feutrine de carré rouge ou vert, de débats sans fin dominicaux à la table familiale, que nous reste-t-il de la grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité aujourd’hui? En 2012, Clément de Gaulejac dessinait des affiches qu’il publiait en ligne et qui circulait dans la rue. Vous en avez peut-être vu, et le trait de l’auteur vous est, malgré vous, familier. Chapleau, Côté ou bien Pascal Élie sont bien connus parmi les journalistes de presse écrite, le territoire de jeu de l'artiste commence, lui, par la rue. Il prend goût au dessin satirique, à travers un cheminement qui le conduit autour des années 2000, alors qu’il monte sa microstructure d’autoédition, L’eau tiède, vers un blogue en 2006, puis la diffusion d’affiches dans la rue...
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Émission du 28 mars 2023
3/28/2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire. Extrait:« Il faudrait partager les souvenirs, a-t-il écrit. Si quelqu'un nous oublie, nous aussi, on devrait l'oublier. C'est injuste de se souvenir de quelqu'un qui ne pense plus à nous. Quelques jours après l'installation de SOS confinement, Loïc a ouvert le placard de la chambre, il en a sorti le fourreau, il a fait glisser la fermeture éclair du fourreau, il en a tiré la carabine, équipée de son bipied, qu'il a déplié avant de se poster devant la fenêtre. Par la lunette, il voyait mieux les traits harmonieux de Zineb, les fossettes qui se creusaient quand elle souriait, les mèches de cheveux fins noirs qui s'échappaient de son voile. Il aurait voulu démonter le viseur de la carabine mais il n'a pas retrouvé la petite clé Allen qui permet de desserrer la paire de colliers. Pépé lui avait dit que, de toute manière, une optique de visée, une fois que c'est installé et réglé, il valait mieux pas y toucher. Loic a laissé tomber. Il a déplacé devant la fenêtre une desserte à roulettes qui ne lui servait à rien d'autre qu'à jeter ses clés de voiture et toutes les babioles qui encombraient ses poches. Il a posé le bipied dessus, s'est assis sur l'accoudoir du canapé et, la crosse calée contre l'épaule, l'oeil devant la lunette et le doigt sur la détente, il s'est mis à observer. Je vise le monde, écrivait-il. J'ai mon avenir en ligne de mire.» Un grondement féroce par Léa Arthemise paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Il est possible pour certaines personnes, de se reconnaître un destin dans les taches d'encre d'un bureau, l'intérieur d'une paire de mains sèche, le vol accidenté d'un oiseau se fracassant dans une vitre. Serait-ce le cas de Mia Clark, la romancière , l'autrice du récent phénomène littéraire Un grondement féroce? C’est ce que présuppose la narratrice de ce roman au moment même où elle dérape sur une plaque de glace, à l’endroit précis où l’écrivaine disparaîtra, quelques années plus tard, un jour de juillet 2020 : le viaduc Rosemont-Van Horne. Ce nom est aussi, et surtout, celui de William Van Horne, futur directeur général du Canadien Pacifique. Un homme dont le destin de papier est narré par Mia Clark, précisément. Il nous faudra fouiller, ce passé, qui commence dans une école de Joliet,...
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Émission du 14 mars 2023
3/14/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San. Extrait:« (Ce corps) Il détermine à quels stimuli je porte attention, partout autour de moi. Quand je vois une pub qui capitalise sur l'image de la femme, je tombe dans le piège des codes qui font vendre. Ma conscience féministe s'entre-déchire. J'observe les corps des mannequins, je suis appâtée par elles même si je songe au fait qu'elles pourraient casser en deux sous le poids d'un sac à dos. Je me surprends à rêver de me blesser de la sorte. J'aimerais avoir le luxe de choisir d'adhérer ou non à ces codes. Mais confinée à la marge, je jongle entre colère et envie. Vouloir le même corps qu'elles, mais ne rien faire pour y arriver. Vouloir que tous les corps aient leur place dans la société, mais encore ne rien faire, mis à part pondre quelques lignes revendicatrices pour apaiser temporairement ma rage. Je stagne parce que l'autodestruction est un pauvre vecteur de changement. La haine consume toute l'énergie dont j'aurai besoin pour me construire, me révolter - ou les deux.» La Revue Moebius 176, un numéro spécial 45 ème anniversaire intitulé « Quand nous nous voyons nous savons», une citation de Jean-Paul Daoust Tirée de «Mais cette lettre est une belle extravagance» datant du Moebius 120 de 2009. Joyeux anniversaire la revue Moebius! Crée en 1977 par Pierre Desruisseaux, Raymond Martin et Guy Melançon, la revue se veut être un laboratoire d’écriture, un foyer de culture qui valorise autant les formes et les genres littéraires les plus varié.e.s, que la mise en scène de la subjectivité et l’expérimentation. Passée de main en main, d’une direction littéraire à une autre, Moebius a su se renouveler et se révèle depuis, un creuset exceptionnel pour accueillir les nouvelles voix d’ici et d’ailleurs, pour désencastrer les imaginaires, dépoussiérer les héritages égarés. De cet esprit d’audace et disons le, de style, la revue vous donne bien souvent l’occasion de découvrir les premiers textes inédits d’auteurices confirmé.e.s, ou en devenir. Gérald Gaudet, Fiorella Boucher, Gabrielle Giasson-Dulude, Julien Guy-Béland, Sanna, Denise Desautels, Catherine Parent, Flavia Garcia, Louise Marois, Karianne Trudeau-Beaunoyer, Justice Rutikara, Jean-Paul Daoust, Caroline Dawson, Marie-Celie Agnant, Valérie Savard, Jeannot Clair, Nelly Desmarais, et Virginie Fauve , sous la...
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Émission du 28 février 2023
2/28/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Extrait: « La peur de perdre sa respectabilité, ça, c'est bourgeois. Au sens péjoratif du terme. Dire qu'on est un artiste et vouloir être aimé, ça n'a pas de sens. Je suis actrice. Si personne ne m'aime, je disparais. N'empêche que je n'ai jamais privilégié l'amour du plus grand nombre à ma sincérité. Je ne suis pas un soda qu'on cherche à vendre à tous les enfants. Je ne me présente pas à une élection présidentielle, que je dois gagner en séduisant la majorité des citoyens. C'est mon courage d'être sincère que je vends. D'être précisément moi, que ça te plaise ou non. Ce qui fait qu'on m'a choisie plutôt qu'une autre pour de grands rôles, ce n'est ni ma plastique ni ma diction. C'est que j'ai le cran de ne pas ressembler à tout le monde. Je prends le risque de déplaire, ça fait partie du job. Tu ne peux pas marquer les esprits si tu crains d'être qui tu es. Ce n'est pas la situation qui te rend impuissant. C'est le flip que tes voisins de palier ne te saluent pas comme un notable. Tu peux invoquer ta naissance et parler du métier de tes parents pour te victimiser et justifier ta faiblesse. Mais on sait l'un comme l'autre que c'est une excuse. Les enfants riches sont comme toi. Tout le monde veut faire de la publicité aujourd'hui. C'est-à-dire produire des messages esthétiquement cohérents et qui s'adressent au client qui les commande. Qui se foutent de la vérité. Qui ne veulent que séduire, et jamais déranger personne. Vous voulez que votre art soit pris au sérieux mais vous ne voulez pas déplaire, ni être en danger.» Le génocide des Amériques. Résistance et survivance des peuples autochtones par Marcel Grondin et Moema Viezzer, paru en 2022 aux éditions Écosociété. Cette œuvre magistrale a été publiée en 2018 en portugais-brésilien, elle est désormais traduite en version française par les éditions Écosociété, agrémentée d’un...
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Émission du 14 février 2023
2/14/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire. Extrait: « Le lendemain - troisième jour - il était de nouveau levé à mon réveil et je me demandai s'il avait dormi. De son expédition la veille à la tourbière il était revenu enchanté. Il souriait. Il peut sembler excessif, sinon caricatural, de l'écrire, mais je dirais que ses yeux brillaient. La mousse était belle ! dit-il. J'ai enlevé mes souliers. Mes pieds s'enfonçaient dans la sphaigne gorgée d'eau tiède. Des fourmis me couraient sur les jambes. Les moustiques se rassemblaient autour de ma tête. Les nuages s'accumulaient. Un vent puissant a traversé les arbres. Il a soufflé sur la tourbière. Je l'ai senti sur mon visage. Le ciel s'est obscurci au-dessus de la colline. J'ai entendu le tonnerre. Quand la pluie s'est mise à tomber je me suis réfugié sous les sapins. Mon t-shirt était détrempé. J'ai couru, j'ai cru me perdre. Mes pieds glissaient dans des flaques. Les branches me fouettaient. La pluie formait un voile. je me suis réfugié dans le creux d'un rocher. La pluie était chaude. La pluie était belle. Je n'avais pas froid. J'ai tiré la langue pour récupérer des gouttes qui tombaient. La pluie gorgeait le sol, déjà humide. Ailleurs la pluie gorgeait aussi la sphaigne. Il n'y avait plus de moustiques qui bourdonnaient.» Madonna, le déclin orchestré par Lucas Prud’homme-Rheault paru en 2022 aux éditions Varia. Madonna sera de passage à Montréal l’été prochain pour deux dates dans le cadre de sa tournée Celebration qui souligne ses succès des 40 dernières années. Je saisi l’occasion pour vous présenter un essai qui est une étude approfondie passionnante de l’œuvre de la Madonne, qui révèle certains aspects moins connus d’une artiste à l’écoute des soubresauts du monde qui l’entoure. Depuis quarante ans, l’artiste interpelle sans cesse son auditoire à coups de slogans qui percutent, d’allusions non déguisées et d’emprunts à Nietzsche, Wagner, Martin Luther King et d’autres, lui permettant d’investir des centre d’intérêts moins bien balisés que ceux de la musique pop. Madonna aime provoquer, depuis toujours, c'est dans son ADN. Elle serait même prête à tout pour rester la reine de la pop au nez et à la barbe de la concurrence. Jusque pourquoi pas orchestrer, elle-même, la mise en scène de son propre déclin. Je vous propose, ce soir, à Mission encre noire de partir sur les traces d’une icône de la musique pop, la Material girl, en personne, en compagnie de Lucas Prud’homme-Rheault. Extrait: « Devant la montée fulgurante de cette dernière au pouvoir, devant les emprunts répétés à son univers,...
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Émission du 7 février 2023
2/7/2023
Mission encre noire tome 37 Chapitre 402. Cocorico, les gars, faut qu’on se parle par Mickael Bergeron paru en 2023 aux éditions Somme Toute. Il est plus que temps de reconnaître que rien n’est figé dans une société, que les choses bougent, que les comportement évoluent. Qui aurait cru, il y a 20 ans, qu’un mouvement social sans précédent allait naître via, notamment, les réseaux sociaux. En effet, la première campagne hashtag Mee Too en 2017 a changé la donne. De Balance ton porc à #MoiAussi, ces campagnes ont révélé l’ampleur systémique de la violence commises à l’égard des femmes. Dans cet essai édifiant à plus d’un titre, Mickael Bergeron se propose d’abattre l’arbre qui cache a forêt, de débroussailler quelques clichés au passage et de pénétrer dans l’antre de la bête: la masculinité toxique. Il est temps en effet de nous prendre en charge, nous les hommes, de se dire ça suffit; changeons de disque. Osons enfin, nous parler des affaires qui dérangent : l’image de la virilité, la paternité, l’idéal masculin dans le sport ou dans les forces armées, les attentes dans les relations amoureuses ou dans la sexualité, dans les rôles professionnels ou sociaux, les sujets ne manquent pas. Loin d’être donneur de leçon, l’essayiste se met lui-même à nu, en multipliant les anecdotes personnelles et se garde bien de juger. Il est plus que temps de faire notre juste part aux côtés des féministes, qui elles, ne nous ont pas attendu pour s’affirmer. «Vous n’êtes pas tannés, les gars, de tout ce bordel» est-il écrit en préambule ? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mickael Bergeron. Extrait: « Cette virilité version 2023 fait aussi écho à toute sortes de sous-entendus: les femmes ne savent pas se contrôler, elles sont trop émotives, des fois même carrément «hystériques», etc. Les gars, faut arrêter avec nos rêves de pouvoir. On ne contrôle rien dans la vie. Ou si peu, tellement peu. On contrôle une partie de nos réactions, de nos comportements, pour le reste, on peut juste apprendre à jongler avec. Comme dirait Mylène Farmer, tout est chaos. Le contrôle est une illusion. C'est de la grosse bullshit. On peut apprendre à gérer nos émotions, mais on ne peut pas contrôler ce qui déclenche nos émotions. On ne décide pas si une chose nous bouleverse ou non, mais on peut apprendre à gérer les peines et les douleurs. On peut apprendre à ne pas virer fou quand on souffre. On peut apprendre à réfréner notre colère quand un truc nous fait chier. On peut apprendre à faire durer notre énergie quand on sent une explosion de joie monter en nous. Mais on ne pourra jamais contrôler ce qui, à la base, nous fait chier, ce qui nous rend heureux, ce qui nous fait mal. La méditation ne sert pas à ne plus souffrir, mais à apprendre à gérer nos souffrances. C'est une nuance importante.» La vie fabuleuse des gens fabuleux par David Cloutier paru en 2022 aux éditions de la Maison en Feu. Que le rideau se lève sur Mado qui prend possession de la scène dans son célèbre cabaret à Montréal ! Elle regarde ce public d'hétéros de banlieue venu l’applaudir encore et encore. Pourtant, elle ne saurait dire, tant elle est célébrée dans son rond de lumière des spots, ce qui la rend triste ou heureuse ce soir là. Serait-ce l’absence subite de Léo, une jeune escorte survitaminée, celle de Mylène, cette comédienne qui aimerait vouloir danser seule comme ce voisin célibataire de son ancien quartier, ou peut-être est-ce la présence émotive de cette fille, Jessica, particulièrement éméchée, à la table près de la scène, qui semble toute retournée et perdue. Mado sourit. Après tout, comme disait Léo Ferré, le bonheur c’est du malheur qui se repose, alors il ne faut pas le réveiller. Pas sûr que la galerie de personnages qui inspire ce premier roman suivent ce conseil. L’auteur, nous régale de situations douces amères, de réflexions cocasses sur la vie des gens mornes, aligne les tirades sucrées salées. Notez toutefois que si ce livre n’est pas forcément destiné à un public...
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Émission du 31 janvier 2023
1/31/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 401. Le monde se repliera sur toi par Jean-Simon Desrochers paru en 2022 aux éditions Boréal. De prime abord, il serait possible de se demander comment lire ce monde pluriel qui se présente à nous. Comment se détacher du fil invisible qui relie les nombreux personnages pris individuellement, qui à force de rencontres, de coïncidences nous amènent à une lecture possible du monde d’aujourd’hui. Alors que Noémie, au sortir d’un mauvais rêve cherche encore ses mots et s’inquiète pour elle et sa fille, au chapitre suivant, celle-ci, à 12 ans, éconduit son premier amoureux, William, qui tente d’incarner un nouvel idéal de masculinité moins toxique. Au prochain chapitre, c'est sa professeure, Madame Claude qui en subira les conséquences. Elle découvre les rumeurs colportées à son sujet alors qu’elle apostrophe un idiot qui lui coupe la voie avec son VUS sur le pont en quittant Montréal, Pierre-Luc prendra toute une section de texte pour se venger...ainsi de suite. La galerie de portrait qui se déploie de Montréal à Tchernobyl, Paris, Philadelphie, Rio de Janeiro, Addis-Abeba, Christchurch et Chittorgarh, nous donne à lire les esquisses familières de trajectoires de vie qui sont autant d’étoiles filantes dans un ciel encombré et menaçant. L’auteur réussit le tour de force d’incarner plusieurs voix, plusieurs émotions, plusieurs destins de papier en mode mineur. Il en résulte un formidable casse-tête, à la mesure des moments de vie dérobés à la lucarne du monde en marche, nous offrant ainsi une profonde réflexion sur ce qui nous construit, sur les lieux qui nous habitent. Si le roman s’ouvre sur une mémoire qui flanche, il n’est pas garantie que le film réalisé avec un cellulaire au final y changera grand-chose. Le monde souffre d'un manque criant d'empathie. Il en meurt sans doute un peu chaque jour, à chaque chapitre ? D’ailleurs s’achève-t-il vraiment ce roman? J’accueille Jean-Simon Desrochers, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: « Pierre-Luc est persuadé que, s'il avait gardé sa Mazda3 modifiée, cette femme au pick-up n'aurait jamais osé le couper. Depuis qu'il conduit une sous-compacte électrique, ces manoeuvres agressives sont devenues routinières. Ce pick-up surdimensionné, c'était la fois de trop. Que sa conductrice ait menacé d'appeler les policiers, soit, il comprend. Quand il explose, il est préférable de se tenir loin. C'était l'un des principaux reproches de son ex: « y a des moments, j'ai l'impression que t'es sur le bord de me fesser dessus...Tu fais peur.» Pourtant, Pierre-Luc n'a jamais levé la main sur personne, pas même à l'école primaire, où les garçons se battaient régulièrement. Il est seulement « un peu trop expressif », comme le soulignait feu sa mère. De retour derrière son volant, Pierre-Luc fulmine. Une idée lui vient. Cellulaire, photo, la plaque d'immatriculation du pick-up. Why not ? Soir, maison, ordinateur, musique (Tangerine Dream, Ricochet). Malgré un joint de MK Ultra, la colère s'encrasse, pas moyen de se concentrer sur sa partie de Minecraft où un creeper vient de détruire la moitié de son étable - tant pis, aussi bien quitter le jeu, texter «le gars » dont lui avait parlé son ancien revendeur de cannabis. Juste pour voir. Message texte, réponse, «le gars » est libre en ce moment. Petite marche de santé, air frais, pas grand monde au bar. Comme un parfait trope cinématographique, le gars est à une table, au fond. Signes de tête, prise de contact. « Donne-moi le numéro. Tu reviens demain. c'est trois cents piasses. Tu payes la moitié ce soir. Le guichet est là.».» La jeune fille des négatifs par Véronique Cyr paru en 2022 aux éditions Les Herbes Rouges. Alitée et en arrêt de travail depuis le 10 octobre 2017, Véronique Cyr vit une grossesse chaotique à l’hôpital Sainte-Justine. L’accouchement peut lui être fatal. Elle prend des notes, elle décide de porter ce projet d’écriture « La jeune fille des négatifs », son fils enfin endormi contre elle. Il en...
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Émission du 24 janvier 2023
1/24/2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 400. Je vous présente mes meilleurs vœux pour cette année qui s’annonce. Une année que je vous souhaite riche en découvertes d’auteurices et d’œuvres inspirantes. Mission encre noire repart pour une saison d’hiver, la 400 ème pour être précis. Correlieu de Sébastien La Rocque paru en 2022 aux éditions du Cheval d’août ouvre le bal. Ce roman nous invite à rejoindre, la Vallée-du-Richelieu, près de l’atelier du célèbre peintre du Mont-Saint-Hilaire Ozias Leduc,et plus particulièrement dans celui de Guillaume Borduas, un vieil ébéniste approchant les 70 ans. Formé à la vieille école, il accepte, malgré ses vieux principes, de recevoir en stage, Florence, qui veut reprendre le métier après avoir subi un accident de travail. Recommandé par la CSST, elle doit faire ses preuves, ce retour aux machines est progressif, après avoir été touché par une lame rendu folle dingue à plus de quatre mille tours par minute. Même s’il a toujours travaillé seul, elle le rejoint dans le silence d’un matin blafard au milieu des grésillements d’un vieux poste de radio et l’odeur des planches brutes de pin, de chêne rouge, de peuplier, d’érable ou de merisier. Comme chaque vendredi, elle devra faire la connaissance et refaire le monde avec les vieux mononcles, fidèles en amitié, de Guillaume, et grands consommateurs de caisses de bière. C’est dans le miracle de cet atelier et de ses correspondances sensorielles que Florence s’invite à découvrir un monde éternel, qui se meurt, fait de gestes communs à apprendre, à harmoniser son souffle au rythme d’une respiration à contre-temps d’une époque à bout-de souffle. Avons-nous affaire à de la nostalgie ou à une volonté de vivre autrement, sans faire trop de concession à une modernité dévorante ? Toujours est-il que l’écho de 2012 et du printemps érable s’immisce parfois entre les ramures du Mont-Saint-Hilaire et les odeurs de gasoil de motorisés gigantesques en balades. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Sébastien La Rocque. Extrait: « Toutes les jeunes qui sortent de l'école d'ébénisterie veulent avoir une tite shop de même, faire des beaux meubles, pis gérer leurs p'tites affaires, mais je roule pas sur l'or, tsé. c'est ben beau, j'en ai eu, des stagiaires, mais y connaissent rien. Gars ou fille, même affaire. C'est qui qui va à ton école ? Des retraités qui se cherchent un hobby ou des jeunes qui savent pas quoi faire de leur corps. Va falloir que tu désapprennes ce que t'a appris. L'ébénisterie, c'est pas ça. J'ai pas de job à t'offrir, moi, mais je peux te montrer un métier. Il fouille sur la table, trouve une revue cachée sous une pile de chemises. S'arrêtant sur une page, il tapote une photo trois fois du doigt. - Checke ce que j'ai reçu dans malle. Canadian Interior. Qu'est-ce que t'as là dedans ? Un designer en habit, une designer en robe devant leurs créations, des bureaux en bois d'ingénierie. C'est du design en tabarnak, ça ! Du monde qui pense, qui dessine, that's it ! Toi pis moi, on existe pas ! » Samedi de Christian Robert de Massy et Éric Pessan paru en 2022 aux éditions Moelle Graphik. Voici toute une expérience de lecture, avec ce premier album de bande dessinée de Christian Robert de Massy, accompagné par les mots d’Éric Pessan. Ce qui frappe avant tout, dans cette ambiance de fin du monde, c’est avant tout le silence... et le mouvement. Une jeune femme médecin doit régler son histoire avec la mystérieuse femme-tortue, son ex-amante. Elle va nous guider dans le labyrinthe d’une expérience intérieure, initiatique, pour reprendre le contrôle de sa propre vie. Le personnage principal est alors plongé dans un univers mi-réaliste mi fantastique où elle fait la rencontre de créatures et de personnages surprenant.e.s. Arrivera-t-elle à ses fins? L’énigme nous conduit vers les bas-fonds de sa psyché ou bien s’agit-il, par extension, de ceux de notre monde en déliquescence? Des dédales qui sont autant de chemins et de fausses pistes à déjouer pour...
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Émission du 20 décembre 2022
12/20/2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 399. La faute à Pablo Escobar par Jean-Michel Leprince avec une préface de Bernard Derome, paru aux éditions Leméac. Bogotà la mal encarada des villes sud-américaine se trouve en haut d'un plateau andin. Le restaurant de l'hôtel Tequendama, où Jean-Michel Leprince a pris ses habitudes, a volé en éclats, sous une bombe des FARCS. en 2002. Si comme le souligne l’ex-présentateur de nouvelles, chef d’antenne et animateur de télévision Bernard Derome, La Colombie est le deuxième pays le plus riche de la planète en matière de biodiversité, elle est aussi l’un des pays les plus inégalitaire et violent. Tout commence, pour Jean-Michel Leprince, sous les bruits d’hélicoptères, de ceux qui tentent d’arracher des dizaine de personnes à la boue meurtrière qui a englouti la petite ville d’Armero due à l’éruption du volcan andin Nevado del Ruiz le 16 novembre 1985. Armero représente un baptême du feu grave pour le reporter spécialisé en politique étrangère et en défense nationale au Parlement d’Ottawa pour la télévision nationale de la Société Radio-Canada. La Colombie et l’Amérique latine vont devenir pour lui, depuis 37 ans maintenant, le lieu de découvertes et d’aventures inédites. Car voilà, ce pays, non seulement, reste un des rare en Amérique latine à avoir presque toujours connu une gouvernance démocratique, mais il s’est également construit sur la violence, le narcotrafic et la corruption. Un nom revient sur toute les lèvres, bien sûr, Pablo escobar ; une ville aussi, Medellin, qui battait les records du monde de meurtres sous son règne. Les écrits restent, dit-on, voici le livre d’une vie, la somme de plusieurs reportages, d’entrevues de terrain, publiés ici, contextualisés, dans le but de témoigner le plus précisément possible d'un mythe, de l'influence d'un homme sur un pays tout entier voire au-delà. Le journaliste grand-reporter nous offre un récit palpitant qui nous fait fréquenter les bas-fonds du crime organisé à l’échelle continental. J'accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jean-Michel Leprince. Extrait:« La tragédie d'Armero, une semaine plus tard, a détourné l'attention du monde entier des assassinats commis au palais de justice et de ceux qui les ont permis. Le fils de Pablo Escobar révèle que son père amis ouvertement deux hélicoptères à la disposition des sauveteurs, interrompant ainsi pour quelques temps leurs livraisons de cocaïne. L'amnésie institutionnelle avait commencé et avec elle, le règne de l'impunité. Dans son livre The Palace of Justice, A Colombian Tragedy, Ana Carrigan écrit que la guerre a quitté Bogotà pour «retourner dans les campagnes, chez les indigènes, où on n'a pas besoin de se soucier de monuments historiques, d'archives ou de caméras de télévision, et où les victimes sont politiquement invisibles». Parallèlement, Maureén Maya conclut dans Prohibido Olvidar. Dos miradas sobre la toma del palacio de Justicia qu'il est désormais devenu «plus facile de tuer» en Colombie. Le règne de terreur de Pablo Escobar a déjà bien commencé, et il ne cessera pas de croître en horreur. Il va bouleverser l'histoire de la Colombie, et la violence qu'il inflige à son pays et au monde entier par ses méthodes innovatrices en matière de narcotrafic et de cruauté ne prendra pas fin avec sa mort en 1993, et se poursuit encore de nos jours.» Géants aux pieds d’argile par Alain Chevarier et Mark McGuire paru en 2022 aux éditions Moelle Graphik. C’est quoi le problème avec les hommes aujourd’hui? Lance un aîné assis sur un banc près d’un parc, qui observe l’attitude d’un père avec son enfant. Pat et Mathieu sont deux papas, qui tentent de vivre leur paternité autrement que les générations précédentes. Pour éviter de répéter les mêmes erreurs, il leur faut se confronter au passé de leurs propres père et grand-père, tout en restant bien présent, dans le quotidien de leur famille. Ce qui ne se révèle pas si facile, les traumatismes ont transcendé les filiations. Si les mères...
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Émission du 13 décembre 2022
12/13/2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 398. Von Westmount par Jules Clara paru en 2022 au éditions La mèche. Aline pointe en direction de la fenêtre, elle glisse le doigt vers le Saint-Laurent. Pour le reste, la vue est magnifique, ce versant de la montagne cachera néanmoins, toujours le quartier de sa famille. Elle se souvient, il y a un an déjà, comme chaque matin, sous un ciel gris du mois de décembre par – 24, elle embarquait pour ses quinze minutes d’autobus obligatoire. Elle appréhendait de commencer un nouvel emploi, dans un kiosque du marché de noël du centre-ville de Montréal, pour servir du vin chaud. Il lui fallait être aimable, dire merci/thank you plusieurs fois par jour à des touristes plus ou moins agréables, en espérant un pourboire improbable. Sourire et répondre parfait! à un chef d’équipe autoritaire et escroc étaient de rigueur. Il fallait bien payer les factures, le loyer et penser à son futur. Précisément son avenir immédiat étaient sombre, sa relation amoureuse avec James battait de l’aile et l'ambiance familiale ne valait guère mieux. Grâce à son amie Jasmine, elle travaille désormais pour une richissime famille russe, les Von Westmount, de leur vrai nom les Kroubetzkoy, pour s'occuper de leurs enfants, Alexander, Nikolas et la terrible Clémentine. L’autrice profite allègrement de ce portrait moderne d’une jeune femme ambitieuse chez les riches, pour inciser le canevas de nos soumissions quotidiennes si nécessaire au maintien d’une société inégalitaire. Ce n’est pas parce que la plume espiègle de l’autrice s’amuse à nous jouer des tours, à braquer la langue de Shakespeare, ou que le récit s’agite dans tous les sens, en territoire bourgeois, que nous ne sommes pas au centre du récit. Chacun.e en prend pour son grade. La rage couve, les murs de Wesmount tremblent, le feu menace au loin, l’autrice nous invite au pire, un verre de champagne à la main, le vin du diable. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jules Clara. Extrait:« C'est qu'Aline a tendance à se méfier des livres. À la base, elle se méfie de son père et, vu qu'il vénère la littérature, elle éprouve un grand scepticisme envers celle-ci. Moins pour les mots qu'elle déploie que pour son prestige. L'effet qu'elle produit chez les autres, la métamorphose performative qu'elle instaure de manière progressive. Par exemple, il y a chez les Von Westmount une quantité impressionnante de bibliothèques énormes et bien garnies. Quand les invités quittent le manoir, ils se disent que la famille Von Westmount est une grande famille. Érudite, lettrée. Ils réfléchissent - en parallèle - aux prochains livres à acquérir. L'intérêt d'Aline se pose sur un rouge qu'elle juge atypique. Toujours aussi curieuse, elle extrait l'ouvrage de sa rangée, le dépose avec douceur sur ses genoux. La découverte du titre la fait sourciller: The Red Book. Our Family's Album. Les armoiries de la famille Von Westmount sont dessinées au centre, avec les quatre parties qui les constituent, montrant un buffle ici, un aigle là. Rien d'inattendu. Aline tourne les premières pages et s'arrête à l'introduction officielle.» Dryade tome 1 et 2, Les envoûteurs et Les mandragores par Stéphanie Leduc/Laduchesse, parue en 2022 aux éditions Moelle Graphik. Attention, pour un public averti seulement !Mission encre noire aborde la Bande dessinée érotique, plus précisément L’Erotic Fantasy. Avec la destruction de la lune, la terre est soumise aux radiations néfastes du soleil, et en particulier à une forme d’énergie maléfique la luciférine. Dans le premier tome de la série, Les envoûteurs, le métabolisme des hommes est affecté, cette énergie les fait régresser en monstres dégénérés. Au contraire de celui des femmes qui refuse de l’assimiler pour devenir des femmes-plantes, des dryades. Une seule échappatoire pour la gente masculine, ils doivent s’accoupler avec des dryades pour libérer le plus possible de luciférine de leurs corps. Même si l’acte peut leur être fatal, en faisant l’amour, les...
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Émission du 6 décembre 2022
12/6/2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin. Extrait:« Belle fille Easter ! Donne !» Et la chienne ouvrait la gueule pour laisser tomber sa quête, à bout de souffle, couverte de vase ou mouillée jusqu'au os, prête à recommencer. Avec dans les yeux un appel passionné et inconditionnel. Elle retournait s'asseoir au pied de l'homme à scruter le ciel et les moindres mouvements de son monde. Capable de déceler la nervosité des chasseurs. Aux aguets de tout possible. Avec l'idée certaine que son comportement appelait les oiseaux à tomber du ciel pour faire plaisir à son maître. La chienne regardait les yeux des guides et sentait l'exaltation. « Y a plus de vérités dans le désir que dans les faits», avait répondu Clara quand l'homme lui avait demandé ce qu'elle aimait le plus de son travail d'écriture. La femme préférait l'écriture du livre à son existence personnelle. Easter avait les yeux de Clara Sauvage en cette journée grise d'octobre. Pâles et gris, presque bleus. Du mauvais temps demain encore. Un chasseur avait un soir dit à l'homme qu'il aurait souhaité une seule fois dans sa vie être regardé comme sa chienne le regardait. « Toutes races confondues.» » L’angoisse d’être à jeun par Sara Robinson paru en 2022 aux éditions Triptyque. Esmeralda est constamment défoncée. Né de l’autre côté de la rivière des outaouais, elle vit dans une maison du Vieux-Hull avec sa grand-mère et sa tante handicapée. À force de consommer trop d’amphétamines, l’autrice endosse le personnage de Notre-Dame de Paris. Souffrant d’un syndrome de la personnalité limite, cette Esmeralda 2.0 décide d’écrire un roman pour avoir l’impression d’exister. Mais quoi écrire? Elle tape fort sur le clavier, Bukowski en fond d’écran, «find what you love and let it kill you». Décidément très attachée à l'oeuvre de Victor Hugo, Esmeralda s’attarde à parodier sa cour des miracles, ses protagonistes, pour exprimer avec panache, ses angoisses d’existence, ses nuits blanches, ses histoires d’amour fuckées, et l’héritage douloureux d’une adolescence vécue aux côté d’une mère intrusive. C’est avec un humour dévastateur que la narratrice nous conte sa passion amoureuse à sens unique pour Phoebus, un barman de seize ans son aîné, ses relations quasi incestueuses avec son meilleur ami Quasimodo,...
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Émission du 29 novembre 2022
11/29/2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux. Extrait:« nous sommes tenues coupables parce que résistantes, parce que grévistes, parce que nous avons cessé d'être des soldates dans l'armée des bien portant.es, refusant d'avancer coûte que coûte sinon en tirant la maladie et la douleur vers l'écriture et donc aussi vers la vie //revenir à ces temps anciens, quand la fatigue des paysans.nes est une toile de fond et qu'elle découle de l'usage répété d'outils, la bêche et la sape pour les hommes, car jugées trop difficiles à manier pour les femmes, la faucille et le râteau pour ces dernières, comme en témoigne la toile de Jules bastien-Lepage La fameuse au repos //au japon on nomme Karoshi ce phénomène où des hommes en veston cravate meurent de fatigue d'avoir trop travaillé, arrêt cardiaque ou affaissement total dans les rues, leur tête contre les escaliers du métro ou à la sortie des bars, l'espace public devient un cimetière pendant que dans les foyers, les épouses fantômes sont elles aussi surmenées et emportées //on aime dire que le travail c'est la santé» À quoi jouons-nous par Rachel Lamoureux paru en 2022 aux éditions Le Quartanier dans la série QR. À quoi jouons-nous, à écrire bien évidemment. Pour ce faire, l’autrice décide se confronter aux relations amoureuses, dans l'éblouissement des débuts comme au désespoir des échecs. Puisqu’elle refuse de vivre dans la lâcheté d’une rupture qui s’annonce, elle se résout à étreindre une réalité rugueuse une bouchée à la fois. Elle écoute ses mots à lui, l’autre, l’amant, malgré tout, puis se lasse. Elle choisit la solitude de l’écriture. Du côté aiguisé de sa plume, les poèmes fouillent la plaie, un temps, elle empêche la blessure de guérir. Car ce qui convient le mieux, c’est de se moquer des limites, de feindre la peur du vide, de badiner avec le vertige et sans doute l’ivresse, sinon le jeu n’en vaudrait pas la chandelle? Oui, l’autrice se présente, elle-même, dans le texte, rachel, accompagnée d’autres comparses, après de qui, elle emprunte, elle associe, elle coupe pour faire avancer le poème et mieux vous saisir dans l’éclat de sa langue nouvelle. À quoi jouons-nous, ce soir, avec qui ? J’accueille, celle qui dans un texte paru dans Moebius 172, se disait habitée par le sens de l’insurrection, Rachel Lamoureux est mon invitée à Mission encre noire. Extrait:« je n'ai pas eu besoin /d'essuyer mes pieds / la neige est dehors/mêlée au goudron /et ma déception / immémoriale // les corps s'enchâssent / nous nous ressemblons toutes / d'un minois l'autre / le doigt est fin l'ongle friable /...
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Émission du 22 novembre 2022
11/22/2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire. Extrait:« C'est Trevor qui m'ouvre. Je l'avais oublié, lui. Il paraît content de me voir, j'ignore toujours si c'est fake ou s'il est juste très gentil. Miche était de même, avant, mais il suffit que trop de marde s'amasse dans les craques pour que quelqu'un se fende et explose en plein de petits morceaux impossibles à remettre ensemble. Jeanine est mieux de faire attention. Mais bon, qu'elle s'arrange avec ses troubles, Jeanine. Quand Gab a dû partir de chez nous parce que je n'étais plus «un père adéquat», elle m'a appelé un soir de la semaine pour savoir comment j'allais et j'ai demandé à parler à sa mère. Je voulais la remercier d'avoir recueilli ma fille en attendant que je me remette. Jeanine a répondu:« Yvan...c'est ma fille aussi», et j'ai réalisé que je l'avais oublié. Une partie de moi refusait d'admettre que Gab soit à quelqu'un d'autre, du moins autant qu'à moi, mais j'ai malgré tout été soulagé. Je me suis vu au milieu d'un océan déchaîné, suffoquant à moitié, lâcher la corde qui me retenait à une grande plateforme. J'ai laissé le courant m'emporter avec un immense sentiment de liberté. Et, après ça, je me suis noyé.» Daddy Issues par Élizabeth Lemay paru en 2022 aux éditions Boréal. Cela fait quatre ans que ça dure. Le même rituel, il entre, il tire les rideaux, la rejoint dans le lit souverain, une baise de trente minutes, une autre demi-heure à discuter, il lui offre des livres, puis il s’enfuit vers sa famille, vers sa reine qui l’attend. Rencontré sur le boulevard St-Laurent, la narratrice devient la maîtresse d’un homme marié. Elle est sa deuxième femme, un amour clandestin, qui existe une fois par semaine. Il ne mesure pas sa chance, les hommes de son âge traînent d'habitude chez les prostituées. La narratrice, ici, est amoureuse. À l'attendre, souvent, elle s’abîme dans un rêve auquel elle ne croit pas elle-même, bien entendu. C’est un homme d’une autre génération, un silencieux, qui ne dit jamais «je t’aime». C'est une histoire banale, presque un classique du genre me direz-vous, sauf qu’ici, la langue se fait parfois politique, sauf qu’ici, enfin, la parole lui est laissée, à elle, la maîtresse diabolique, la sorcière subversive. À celle qu’on abandonne. À celle qui lit. À celle qui prend la plume. Si ce roman traite surtout des relations sulfureuses entre deux amants, la transgression sociale de...
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Émission du 8 novembre 2022
11/8/2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis. Extrait:« Nous vivions à l'époque où les chutes pleuraient pour la planète, elles éclaboussaient de leurs larmes les berges. Elles aspergeaient les terres autochtones de leur propre douleur. Les chutes sanglotaient et plus personne n'allait les voir. On disait qu'elles rendaient malades. Leur beauté inquiète provoquaient un syndrome, celui de Niagara, qui fait l'objet de ce récit. Ceux et celles qui étaient contaminés par la magnificence du lieu prenaient conscience de la violence du temps qui passe. Pour ce virus, on n'a toujours pas mis au point de vaccin. Certaines créatures, sans que l'on comprenne pourquoi, le chopent à répétition. Les scientifiques s'interrogent. On chute, on chute...et on fait des rechutes...Je ne le sais que trop. C'est à Niagara que j'ai contracté à trois ans la maladie de la mort et je ne m'en suis jamais remise.» La scoliose des pommiers par Anthony Lacroix paru en 2022 aux éditions de la maison en feu. «Si vous ne comprenez rien à ce livre/oubliez-le/dans la salle d’attente d’une forêt». C'est un avertissement donné en en-tête du recueil de poésie qui interpelle, alors que le poète ajoute également en quatrième de couverture «je ne sais pas être poli autrement qu’avec les animaux sauvages». La scoliose des pommiers est un premier recueil de poésie écrit sur deux ans entre une période de pandémie et une autre de convalescence. On y parle d’angoisse, de mélancolie, de baseball, de botanique, de mauvaises herbes, de la fébrilité des os ou d’hôpital. Dans cette ville froide, où les culs-de-sac aboutissent à une usine, le corps est en lutte contre la maladie, l’assignation à résidence, l’ordinaire de la vie. Le poète attends l’étincelle qui le fera tomber amoureux d’une fleur qui ne soit pas issue de ses veines. Si Mission encre noire prend des allures de terrain de baseball, ce soir, prenons une marche jusqu’au stade, j’accueille un sérieux candidat au pitch, Anthony Lacroix est mon invité. Extrait:« encore cette nuit/deux triangles prenaient ma carotide en orage/pour ne pas te réveiller/j'ai prononcé mes doléances à voix basse/mais la sueur de mon dos/en a gardé les marques. Si je pouvais/j'abreuverais mes plantes trois fois/par jour/mais je n'ai aucun talent/quand il s'agit de confiner l'électricité statique/et ce qui pousse sur mes bras/ne ressemble en rien/aux réponses que tu cherches.»
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Émission du 18 octobre 2022
10/18/2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey. Extrait:« I want to wake up in the morning...With that dark brown taste...Je me lève de mon trône devant le train fissuré du miroir...Je tourne sur moi-même dans ma loge, m'arrête à nouveau devant mon miroir, dis-moi...Dis-moi dis-moi qui est la plus belle? Je prends la perruque de la tête tranchée sur le comptoir...J'aime glisser mes doigts dans les cheveux doux qui, pour l'instant, ne sont pas les miens...J'aime toucher ce qui n'est pas encore moi...Je pose la perruque sur ma tête...I want to see some dissipation in my face...Mes cheveux courts se font engloutir par la blondeur platine de la perruque...Tu phagocytes mes poux, Mathurin, dévores mes plantureux parasites...I want to see some dissipation in my face...Tu réchauffes mon corps esquissant des pas de danse sur mes talons hauts, au centre de gravité de ma loge...Je cambre les reins, me prépare à aguicher le tout-venant ruant dans les brancards à braguettes...Je sais dresser le gibet et nourrir le gibier...J'ai ce don qu'ont les fées de savamment couper les têtes, coiffer les plexus en colère, faire la fête sous les feux de la rampe...Ça y est, mon spectacle va commencer! Je relève mon bustier de paillettes sur ma poitrine absente, mon torse palpitant de jeune homme abattu, mon coeur...I wanna be evil...I wanna be mad...C'est le moment, Thierry, allez bonne nuit...Maman Candy est prête...» Territoire de trappe par Sébastien Gagnon et Michel Lemieux paru en 2022 aux éditions Triptyque dans la collection Satellite. Il était une fois dans le nord québécois, plus précisément à deux jours de marche de la rivière Mistassini, le long de la Platte. Léon revient passer Noël chez lui après une absence de quatre mois pour aller chasser avant l’expédition de trappe accompagné de Wilbrod, de Cyprien et de Reth, aussi nommé par les Innus, Asthen, l’esprit anthropophage. Ils rejoignent, un poste de traite moribond, à l’allure désincarné, plus proche d'un assemblage de taudis rafistolés qu’autre chose. La plupart des habitants s’évertue à dissimuler leur passé et à attendre de mourir dans le froid. Léon avance vers chez lui, tout est à sa place à l’intérieur sauf l’essentiel : Rose, sa fille et Almas, sa conjointe ont disparu. Elles pourraient être sorti, sauf qu'ici, passé les dernières cabanes du village, confronté à la rivière non navigable et l’immensité de l’hiver, on n’y pense même pas. La carriole du curé Edmond qui s’annonce dans les hurlements de...
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