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L'Épopée des musiques noires

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Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, L’épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du 20ème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui. Réalisation : Nathalie Laporte. *** Diffusions le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles et à 20h30 TU sur RFI Afrique (Programme Haoussa) ; le dimanche à 16h30 TU sur RFI Afrique (Programme lusophone), le dimanche à 21h30 TU vers toutes cibles et le Lundi à 02h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +1). *** À partir du 31 mars 2024 : le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles, le samedi à 20h30 TU sur RFI Afrique (Programme haoussa), le dimanche à 16h30 TU vers l'Afrique Lusophone et Prague, le dimanche à 21h30 TU et lundi à 02h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +2)

Location:

Paris, France

Networks:

RFI

Description:

Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, L’épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du 20ème siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui. Réalisation : Nathalie Laporte. *** Diffusions le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles et à 20h30 TU sur RFI Afrique (Programme Haoussa) ; le dimanche à 16h30 TU sur RFI Afrique (Programme lusophone), le dimanche à 21h30 TU vers toutes cibles et le Lundi à 02h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +1). *** À partir du 31 mars 2024 : le samedi à 13h30 TU vers toutes cibles, le samedi à 20h30 TU sur RFI Afrique (Programme haoussa), le dimanche à 16h30 TU vers l'Afrique Lusophone et Prague, le dimanche à 21h30 TU et lundi à 02h30 TU vers toutes cibles. En heure de Paris (TU +2)

Language:

French


Episodes
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Joe Chambers, légende du jazz, danse sur des rythmes afro-latins

4/11/2024
À bientôt 82 ans, le batteur Joe Chambers n’a plus rien à prouver tant son parcours illustre parle pour lui. Pilier des séances de studios historiques pour le label Blue Note, partenaire de Charles Mingus, Wayne Shorter, Archie Shepp, entre autres, il s’autorise aujourd’hui à jouer avec les effluves mélodiques et rythmiques du patrimoine afro-cubain. Le 4 avril 2024, il présentait à L’Ecuje à Paris le fruit de son intérêt caribéen. Nous avons suivi les répétitions et interrogé le patriarche. Longtemps, Joe Chambers fut un accompagnateur de talent pour nombre de ses contemporains. Batteur et vibraphoniste émérite, il a soutenu avec goût les œuvres de ses compagnons de route. Sa constance l’a hissé au rang des grands instrumentistes de notre temps. Si l’érosion du temps fragilise son énergie corporelle, elle n’altère en rien son intellect. Ce grand personnage est un esprit vif et savant. Conscient des vicissitudes de la communauté afro-américaine au fil des siècles, il laisse volontiers son discours prendre des accents professoraux quand il évoque l’histoire de ses ancêtres : « Je me sens évidemment totalement connecté à l’Afrique car j’ai indubitablement des ancêtres sur ce continent. Pour autant, je ne me sens pas africain. Je suis d’abord américain. En disant cela, j’aborde un sujet épineux. Je ne veux pas feindre qui je ne suis pas. Je ne fais pas partie de ces Américains qui prônent le retour à la terre nourricière. Ce n’est pas ce que je recherche. Tâchons de présenter les choses d’une autre manière… Quand on parle de cultures africaines, quand on parle de musique, et précisément de jazz, il faut impérativement évoquer deux éléments essentiels à notre compréhension : le syncrétisme et la culturation. Pour essayer de simplifier mon propos, je vais prendre un exemple : quand les colons portugais, espagnols et français, ont emporté dans les cales de leurs navires des esclaves africains vers Cuba, Porto Rico, Haïti ou le Brésil, ils ont tenté de museler les rites et codes yoruba de ces populations soumises. Évidemment, ils n’y sont pas parvenus parce que les cultures africaines s’expriment par le rythme. Une nouvelle identité hybride a alors germé de cette rencontre afro-européenne. C’est ainsi que sont nés la Santeria et le Candomblé. Ces rythmes sont la fusion de plusieurs cultures dont les matrices proviennent de populations qui n’ont pas suivi les règles et l’enseignement religieux de leurs oppresseurs mais ont préféré vénérer leur divinité, leur « dambala ». Voilà ce que vous devez comprendre lorsque vous évoquez l’héritage africain des Américains ». (Joe Chambers au micro de Joe Farmer) Joe Chambers a étudié avec application les musiques métisses héritées de l’Afrique ancestrale. Sa passion pour les sonorités afro-latines ne date cependant pas d’hier. Sa prime jeunesse fut bercée par un environnement sonore caribéen pétri de sources culturelles diverses. Au contact de nombreux virtuoses, il a développé une musicalité cadencée qui repose sur sa parfaite connaissance du swing et de l’harmonie. « L’influence afro-latine que vous ressentez dans mes compositions est en moi depuis toujours. Je me suis d’abord intéressé à la culture afro-cubaine, notamment le Guaguanco. Dès l’âge de six ou sept ans, j’entendais toutes ces musiques latines à Philadelphie où je vivais avec mes parents. La scène musicale afro-latine était très vivace et l’on entendait régulièrement à la radio le répertoire de tous ces musiciens. Cela dit, j’écoute tout type de musique. Je prends plaisir à savourer les œuvres classiques européennes mais aussi le jazz américain et le rhythm and blues. Quand j’ai commencé à jouer des percussions, c’était à l’école, je participais aux orchestres de mon établissement scolaire mais j’étais davantage intéressé par le rhythm and blues. En fait, je me voyais devenir jazzman car cette forme d’expression qu’on appelle le swing me paraissait plus intelligente. Et puis, subitement, je me suis rendu compte que personne...

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Les 80 ans de Monty Alexander

4/4/2024
Monty Alexander naquit le 6 juin 1944, le jour du Débarquement allié en Normandie. Pour célébrer son 80è anniversaire, le pianiste jamaïcain fait paraître un nouvel album logiquement intitulé D Day. Composé d’œuvres entendues durant les années de guerre et de mélodies originales guidées par un sentiment d’espérance, ce disque est le premier acte d’une célébration qui s’inscrira sur les scènes du monde entier tout au long de l’année 2024. À une époque où les tensions internationales semblent menacer l’équilibre géopolitique de la planète, Monty Alexander lance un appel à la raison. Aux confrontations économiques et politiques actuelles, il oppose un simple message : « Tant que la logique de domination d’un peuple sur un autre n’est pas discréditée ou abandonnée, il y aura la guerre ». Ces paroles sages, extraites du titre « War » empruntées à son compatriote Bob Marley, rappellent quelques évidences que les circonvolutions diplomatiques finissent, parfois, par négliger. Lorsque Bernard Montgomery Alexander vit le jour, il y a 80 ans à Kingston, la Jamaïque était une terre britannique, il sait donc ce que la colonisation implique dans le quotidien d’une population. Bien qu’il s’exprime dans le langage du jazz américain, Monty Alexander n’a jamais oublié ses racines culturelles. Ses rencontres avec les grands virtuoses du XXè siècle, Frank Sinatra, Tony Bennett, George Benson, Ahmad Jamal, Dizzy Gillespie, Harry Belafonte, entre autres, ne l’ont jamais éloigné de sa source d’inspiration originelle. Cette spécificité artistique a fait sa renommée. Jouissant d’une richesse musicale et patrimoniale multicolore, il a su conjuguer différents idiomes se plaisant à mâtiner son répertoire d’accents ska ou d’acrobaties be-bop pour le plus grand plaisir de ses admirateurs. Qu’il joue les œuvres d’Ernest Ranglin ou de Thelonious Monk, Monty Alexander s’épanouit. Son phrasé pianistique malicieux s’amuse à redessiner les contours du swing avec cette touche caribéenne irrésistible. D Day est certainement un album-anniversaire mais c’est aussi la célébration d’une étape majeure dans le développement artistique d’une grande figure de « L’épopée des Musiques Noires » dont la musicalité est immédiatement identifiable. Peu d’artistes ont réussi l’exploit de se distinguer à ce point en choyant continuellement les couleurs sonores insulaires de leur jeunesse. Monty Alexander a défendu sa différence dans le concert des nations avec une telle générosité universaliste que son nom s’écrit parmi les incontestables maestros de notre temps. Monty Alexander sera en concert le 7 avril à Cully, en Suisse, lors du 41è Cully Jazz Festival. Il poursuivra sa tournée mondiale au Japon. Puis, il reviendra cet été en Europe avec une prestation attendue au New Morning à Paris, le 3 juillet 2024. ► Le site de Monty Alexander ► Le site de Cully Jazz.

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José James se souvient de 1978

3/28/2024
1978 fut un bon cru. Le chanteur américain José James en est convaincu. Cette année-là, Prince publiait son premier album, George Clinton faisait scintiller Funkadelic, Fela Kuti devenait un incontournable agitateur, les Jackson croyaient en leur avenir… Cette année-là, José James vit le jour et l’humeur musicale qui accompagna son enfance continue de l’inspirer. Alors que nous nous apprêtons à saluer la mémoire de Marvin Gaye, disparu il y a 40 ans, José James se fait l’écho des riches années 70 quand l’esprit créatif de ses aînés épousait les tribulations du monde. José James reconnaît volontiers sa propension à célébrer le patrimoine afro-américain historique. Ses hommages appuyés à Billie Holiday ou Bill Withers lui ont valu ces dernières années les éloges de ses contemporains. En s’intéressant à l’année 1978, il s’autorise la relecture d’une époque faste durant laquelle les soubresauts de la planète avaient insufflé un esprit de concorde salvateur. Tout n’était pas rose mais l’intention pacifiste des artistes d’alors semblait éloigner les velléités guerrières. L’intention « Peace & Love » cherchait à prolonger le discours des grands orateurs disparus. José James veut imprimer cette humeur positive dans son répertoire. En revitalisant la musicalité de ses héros d’antan, il ressuscite la fraîcheur musicale d’une génération naïve qui croyait en un avenir radieux. Pour autant, José James n’est pas dupe. Il sait que les défis sont nombreux et le devoir impérieux de faire face aux obstacles ne doit pas être négligé. En faisant allusion à l’assassinat de George Floyd en mai 2020 à Minneapolis, en rendant hommage au jeune Trayvon Martin, tué par balle, en février 2012 en Floride, il affiche son activisme face aux exactions racistes toujours violentes aux États-Unis. Le sort de la communauté noire outre-Atlantique le concerne. Après avoir fait des recherches poussées sur son identité originelle, José James a découvert que ses racines paternelles ancestrales se trouvaient en Angola au sein du peuple Mbundu. La source maternelle de son être provient de ses aïeux irlandais. Cette révélation a éclairé son cheminement personnel et artistique. José James est, comme nombre d’Américains, le fruit d’un métissage provoqué par les drames de l’esclavage. Cet effort de réappropriation culturelle est un processus long auquel José James se soumet avec candeur. Choisir son année de naissance comme axe central de son nouvel album n’est pas anodin. C’est l’expression d’une quête qui le ramène à sa prime jeunesse quand se dessinaient les contours de sa vie d’adulte. C’était le temps des enthousiasmes, des premiers revers, des apprentissages et des décisions. 1978 fut un bon cru. José James le revendique et le martèle. Il est un enfant de cette force de persuasion crédule qui imaginait un monde pétri de bonnes intentions. La musique a peut-être cette vertu. Rêvons un peu et voyageons avec nostalgie dans les méandres du passé. José James sera présent en Europe au mois de mai et juin 2024. Il se produira notamment le 29 mai à Paris au New Morning. ► Le site de José James.

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L’authenticité malgache de Rajery

3/21/2024
Du 28 au 31 mars 2024, le « Nosy Boraha Jazz Festival » de Sainte-Marie à Madagascar promet d’insuffler un esprit de paix universelle et de promouvoir les échanges interculturels. De nombreux musiciens venus des quatre coins de la planète (Bénin, Canada, Brésil, Belgique, France) feront scintiller ces 4 jours de fête multicolore. Le « Prince de la Valiha », Rajery, sera la tête d’affiche de cette 5ème édition. Il nous parle, depuis Antananarivo, de ce rendez-vous austral et musical qui épouse ses convictions d’homme de cœur. Souvenez-vous… Il y a 25 ans, un jeune musicien malgache rencontrait le public français grâce à Christian Mousset, fondateur des « Musiques Métisses » d’Angoulême. Depuis ce brillant instrumentiste est devenu une référence, un artiste engagé qui milite pour la préservation de son patrimoine, pour une prise de conscience environnementale et pour la défense des cultures insulaires. Rajery est un citoyen attaché aux traditions, attentif à l’évolution de ses racines ancestrales dont il redoute l’altération. Autodidacte, il sait que les années de jeunesse sont les plus formatrices. Alors, il veille au développement artistique de la génération montante en inscrivant son action d’éducateur dans une forme de musicothérapie instructive. Bien que la source de son inspiration ait façonné son identité, Rajery ne s’interdit jamais de jouer avec les accents mélodiques de ses contemporains. Ainsi, dès 2006, il avait entamé une conversation musicale très riche avec le virtuose de la kora, Ballaké Sissoko et le maître du Oud, Driss El Maloumi. Les 3MA (Maroc, Mali, Madagascar) furent longtemps inséparables au point d’enregistrer deux albums en 2008 et 2017. Les voyages, les tournées, les expériences diverses et variées à travers la planète, ont donné de la valeur à ce cheminement progressif. À bientôt 60 ans, Rajery est, pour nombre de ses admirateurs, devenu cet ambassadeur des hauts-plateaux de Merina. Est-il désormais un sage que l’on vient consulter ? Peut-être… Son activisme social épouse, en tous cas, l’intention du « Nosy Boraha Jazz Festival » qui encourage l’artisanat local, qui refuse les discriminations et prône l’entente fraternelle entre les peuples du monde entier. La musique étant un vocabulaire immédiatement compréhensible, elle ne peut qu’accompagner les efforts des bonnes âmes à redéfinir nos priorités. Rajery fait partie de cette famille bienveillante qui œuvre quotidiennement pour le bien commun. Nul doute que les différentes prestations programmées durant la 5eme édition de ce festival en devenir sauront convaincre les spectateurs et leur donner l’envie de s’impliquer à leur tour. Cet élan participatif sera la meilleure récompense pour les organisateurs du « Nosy Boraha Jazz Festival ». ► Le Nosy Boraha Jazz Festival.

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Tutu Puoane, la poésie musicale sud-africaine

3/14/2024
La notoriété de la chanteuse sud-africaine Tutu Puoane n’a cessé de croître au fil des années. Installée en Belgique depuis 20 ans, elle n’oublie pas, pour autant, ses racines australes. En lisant les poèmes de sa consœur et compatriote Lebogang Mashile, elle a subitement ressenti le besoin de se rapprocher de son histoire et de son identité originelle. Wrapped in Rhythm est le fruit savoureux de cette introspection nécessaire. Née à Atteridgeville, non loin de Pretoria, en 1979, Tutu Puoane a ressenti durant toute son enfance la pression sociale exercée par le régime d’Apartheid mais elle a également vu son pays natal se transformer et accéder à la démocratie sous l’impulsion du président Mandela. Elle comprit très tôt que résister aux revers, aux brimades, aux humiliations et croire en un avenir meilleur était la seule voie d’espérance. La force de caractère de ses aînées l’ont profondément marquée et encouragée à défier l’inéluctable. À travers ses nombreuses activités artistiques, Tutu Puoane a appris à exprimer ses tourments et ses convictions. Au théâtre, elle a salué la mémoire de Winnie Mandela et Miriam Makeba. Sur disque, elle a revitalisé le discours de Nina Simone, Billie Holiday ou Abbey Lincoln. Tutu Puoane est une gracieuse activiste qui défend un idéal humaniste essentiel face aux velléités guerrières de plus en plus manifestes. Sa participation aux travaux du collectif « Black Lives – From Generation To Generation » est une nouvelle affirmation de son engagement citoyen. L’intention de cette formation musicale à géométrie variable est de nourrir l’esprit de partage et de tolérance qui fait si souvent défaut dans nos interactions quotidiennes. Nous avons tous un rôle à jouer dans ce monde bousculé par des soubresauts inquiétants. Tutu Puoane fait le vœu d’agir et de convaincre. Elle appartient, comme chacun d’entre nous, à la communauté planétaire. Elle épouse d’ailleurs avec pertinence et légitimité la philosophie de ses compagnons de route dont le prochain album, People of Earth, appellera à un sursaut universaliste. Sur scène ou en studio, Tutu Puoane est une voix qui compte. Larry Klein ne s’y est pas trompé en accompagnant la conception de Wrapped in Rhythm. Ce producteur fameux a déjà magnifié les voix de Tracy Chapman, Lizz Wright ou Joni Mitchell, entre autres. Il a su déceler la solidité narrative de Tutu Puoane et sa délicate poésie vocale. Nul doute que ce répertoire touchera les âmes sensibles et créditera les efforts de concorde internationale. Tutu Puoane portera cette parole indispensable tout au long du printemps 2024 en Europe et, notamment, à Paris, le 31 mai, lors d’un concert programmé au Son de la Terre, un nouveau club installé sur la Seine à deux pas de la Cathédrale Notre-Dame. Tutu Puoane se produira, par ailleurs, en avril 2024 en compagnie de ses camarades du collectif « Black Lives – From Generation To Generation » en Suisse, Pologne et en France, notamment à Paris au New Morning. ► Le site de Jammincolors ► Le site de Tutu Puoane ► Facebook du collectif « Black Lives – From Generation To Generation ».

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La verve blues du vétéran Bobby Rush

3/7/2024
Bobby Rush naquit, dit-il, le 10 novembre 1933 à Homer en Louisiane. Sa destinée épouse l’histoire afro-américaine au XXè siècle. Contraint de vivre de petits boulots dès sa plus tendre enfance, privé d’une scolarité normale, malmené par la ségrégation raciale, il a résisté en jouant le blues avec ferveur et vigueur pendant des décennies. Il lui faudra attendre son 83è anniversaire pour qu’enfin un prix prestigieux le hisse au rang des grandes figures de L’épopée des Musiques Noires. Il reçoit ce premier Grammy Award en 2017 et, depuis, ne cesse de narrer son aventure humaine. À 90 ans, il est la mémoire du peuple noir. La verve de ce fringant nonagénaire n’est jamais feinte. Son discours de vérité nous rappelle combien le quotidien des musiciens africains-américains fut autrefois périlleux. Contemporain de B.B King, Muddy Waters, Howlin’ Wolf ou John Lee Hooker, il ne fanfaronne pourtant pas quand ses souvenirs refont surface et le poussent à honorer ses chaperons. Il a conscience d’être l’un des derniers porte-paroles de ces pionniers du blues qui inventaient une forme d’expression fondatrice. Bobby Rush, au micro de Joe Farmer : « La culture noire a toujours été rabaissée, et ce, depuis que je suis né. Il a fallu que des musiciens blancs s’en emparent pour que l’on en parle enfin. Le plus drôle c’est qu’aujourd’hui des musiciens noirs essayent de reproduire le style de blues joué par des Blancs qui essayent eux-mêmes d’être Noirs. Cela est ridicule mais c’est ainsi que les choses évoluent. Je me contente donc de porter seul l’authenticité du blues. Mes aînés étaient bien plus talentueux que moi et je sais pourquoi ils n’ont jamais reçu de prix. Tout simplement parce qu’ils étaient Noirs et que la ségrégation raciale sévissait à leur époque. Mon premier Grammy Award ne m’a pas permis de vendre plus de disques. Cela a seulement attiré l’attention du public sur ma petite personne. Je remercie donc les membres de l’académie des Grammy pour cet honneur mais, bien avant d’avoir reçu ces titres honorifiques, j’avais déjà publié de nombreux albums. Cependant, je suis reconnaissant. Une fois encore, ce n’est que lorsque les Blancs se sont emparé de notre patrimoine que les médias s’y sont intéressés. C’est triste à dire mais le blues n’existerait plus aujourd’hui si un type comme Eric Clapton ne l’avait pas popularisé auprès du public blanc. Je n’en veux pas aux artistes blancs. Je veux juste que l’on rappelle constamment d’où vient cette musique et qui furent les pionniers. Redonnons du crédit aux musiciens noirs qui ont inventé le blues. Je le répète, si des musiciens blancs n’avaient pas joué notre musique, on ne parlerait pas de nous aujourd’hui. On nous aurait oubliés. Rendez-vous compte, certains musiciens noirs ne veulent pas jouer le blues comme l’ont fait leurs aînés. Ils imitent le son des musiciens blancs. Eh bien, que vous le vouliez ou non, je suis fier de ce que j’ai fait et de ce que je suis aujourd’hui ! Oui Monsieur ! ». Bobby Rush est un vétéran du blues intarissable qui a vécu le racisme institutionnalisé aux États-Unis et fut le témoin des grands mouvements de contestation. Dans les années 60, alors que le pasteur Martin Luther King tentait de faire évoluer la société et les consciences, Bobby Rush agissait à son modeste niveau pour accompagner les appels à la tolérance et à l’égalité. « Je me souviens que, durant mes concerts dans le sud, je mettais mon autobus de tournée à disposition des marcheurs pour qu’ils puissent se rendre sans danger dans les bureaux de vote. En 1963, j’ai fait de même à Chicago car les autorités s’étaient arrangées pour qu’aucune voiture appartenant à un Noir ne puisse se garer dans les quartiers réservés aux Blancs. J’ai cherché à contourner cet interdit mais quelqu’un a mis le feu à mon bus. Je suis allé porter plainte au commissariat du coin et l’agent de police m’a carrément jeté dehors. Il m’a traité de nègre et m’a dit de rentrer chez moi. Mon fils était avec moi… Imaginez sa...

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1984-2024, Banlieues Bleues a 40 ans !

2/29/2024
En Seine-Saint-Denis, le festival Banlieues Bleues est devenu un rendez-vous incontournable du printemps. Tous les plus grands musiciens s’y sont produits avec l’intention d’apporter une part de leur richesse culturelle à des spectateurs souvent négligés au-delà des frontières parisiennes. Ainsi, Miles Davis, Chuck Berry, Art Blakey, Al Green, B.B King, Abbey Lincoln, Dizzy Gillespie, Miriam Makeba, Nina Simone et tant d’autres sont venus ravir les oreilles du public séquano-dionysien. Pour autant, la mission de défricheur de talents ne doit pas être éludée. Xavier Lemettre, directeur artistique de cette manifestation musicale d’envergure souffle les 40 bougies du gâteau d’anniversaire en notre compagnie ! Regarder vers l’avenir est une exigence si l’on ne veut pas s’enfermer dans une nostalgie stérile. Ce credo anime l’esprit créatif de nombreux jazzmen dont le répertoire doit épouser l’air du temps. En côtoyant au quotidien tous ces instrumentistes attachés à leur originalité, Xavier Lemettre a fait sienne cette volonté de se dépasser en programmant avec audace des musiciens suffisamment novateurs pour susciter l’intérêt et la curiosité du public. Ouvrir l’édition 2024 de Banlieues Bleues sur les délicates harmonies d’une jeune harpiste en devenir, Sophye Soliveau, est périlleux mais ce risque calculé repose sur une solide expérience éprouvée au fil des décennies. Ce choix éditorial n’est pas hasardeux. Il s’inscrit dans l’ADN du festival. Refléter les évolutions stylistiques du moment est un impératif pour ne pas se perdre dans un dédale de souvenirs. Certes, les images des concerts légendaires restent gravées dans notre mémoire. Comment ne pas se laisser happer par l’écho lointain du rythmicien Max Roach en 1992 ? Comment ne pas frissonner à la simple évocation des prouesses pianistiques du grand Ahmad Jamal en 1999 ? Comment ne pas se sentir privilégier d’avoir assister en 2009 à une célébration néo-orléanaise en compagnie du saxophoniste et chef d’orchestre, Donald Harrison, Chief of Congo Nation ? Tous ces instants fugaces ont nourri la légende mais également la témérité de ce festival turbulent. Que l’on se rassure, l’intention n’est pas élitiste. Xavier Lemettre, maître d’œuvre de ce barnum quarantenaire, veille à proposer une affiche toujours enthousiasmante dont il faut seulement accepter la hardiesse. Rester ouvert et attentif est le maître mot pour les équipes organisatrices. Accueillir l’intrépide pianiste Amaro Freitas suppose une écoute sérieuse et jubilatoire tant ce virtuose brésilien semble habité par une spiritualité ancestrale. Tout est créole à Banlieues Bleues, comme notre XXIè siècle. Ce constat est peut-être une affirmation politique mais il est aussi et surtout une réalité. Le collectif Lagon Noir en est un bel exemple. Le Maloya de l’île de La Réunion épouse les traditions du Burkina Faso. Le mariage métis nous captive et nous emporte. Gageons que ce vœu universaliste résistera à l’érosion du temps et que nous continuerons encore longtemps à choyer ces rencontres musicales multiculturelles. Rendez-vous du 8 mars au 5 avril 2024 en Seine-Saint-Denis. ► Le site du festival Banlieues Bleues.

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Le label Ruf Records fête ses 30 ans !

2/22/2024
En 1994, le bluesman afro-américain Luther Allison cherche un nouveau label pour faire paraître ses albums. Il s’adresse alors à son agent en Europe, Thomas Ruf. Faute de pouvoir lui dénicher un contrat discographique à la hauteur de ses attentes, il fait le pari de créer sa propre maison de disques. C’est ainsi que naît Ruf Records dont le slogan, « Quand le blues sort du cadre », accompagnera la destinée de dizaines d’artistes. 30 ans plus tard, Bernard Allison (le fils de Luther), Big Daddy Wilson, le B.B King Blues Band, Cyril Neville, Canned Heat, Kenny Neal ou Mitch Ryder, peuvent s’enorgueillir d’être ou d’avoir été les têtes d’affiche de cette firme artisanale fidèle à ses valeurs. C’est au cœur de l’Allemagne que débute cette aventure humaine et artistique unique. Thomas Ruf a 29 ans en 1994. Il n’imagine certainement pas que sa complicité avec le regretté Luther Allison va radicalement changer son quotidien. Et pourtant, son nom deviendra bientôt une marque et, pour bon nombre d’amateurs de blues, un gage de qualité. La confiance que lui accorde Luther Allison crédibilise Thomas Ruf aux yeux du public et des critiques. Les musiciens sont également charmés par ce jeune patron de label qui façonne pas à pas son catalogue discographique. Lorsque Luther Allison disparaît en août 1997 à seulement 57 ans, c’est le coup de semonce décisif. La société Ruf Records résistera-t-elle à cette absence douloureuse ? C’est le propre fils de Luther, Bernard Allison, qui pérennisera cette épopée musicale en éditant ses albums sous le sceau Ruf Records. Cette impulsion incitera d’autres brillants instrumentistes à suivre son exemple. Ainsi, depuis trois décennies, de nombreux virtuoses font confiance à Thomas Ruf et à ce label indépendant qui a su conserver son esprit d’origine. L’intention n’est pas mercantile. L’enjeu de la pertinence créative est plus important. Certes, la rentabilité est une exigence pour pouvoir produire de nouveaux artistes et accompagner les évolutions stylistiques mais Thomas Ruf se laisse guider par ses coups de cœur et ses convictions personnelles. Qu’ils viennent de Finlande ou de Serbie, les musiciens accueillis dans la famille Ruf doivent seulement être sincères et authentiques. La nationalité ou la couleur de peau n’ont aucune importance tant que le blues ruisselle dans les œuvres des instrumentistes. Depuis 2005, Thomas Ruf a institué un rendez-vous annuel, la « Blues Caravan » qui permet à de jeunes artistes en devenir de tourner en Europe et de se confronter à l’exercice périlleux mais jubilatoire de défendre un répertoire sur scène. C’est aussi l’occasion de faire connaître les différentes figures du label Ruf Records. Ana Popović, Joanne Shaw Taylor ou Ghalia Volt ont ainsi pu émerger de l’anonymat et ravir des spectateurs curieux et enthousiastes. Comme la « Stax Revue » autrefois, les artistes estampillés Ruf Records répondent toujours présents lors de ces prestations itinérantes destinées à les exposer au plus grand nombre. La célébration du 30ème anniversaire de Ruf Records à Paris eut lieu le 7 février 2024 au New Morning en présence de Bernard Allison, pilier du label, et de deux jeunes guitaristes et chanteuses fort talentueuses, Ally Venable et Katie Henry. L’avenir semble assuré ! ► Le site de Ruf Records.

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Bob Marley, le film de sa vie

2/15/2024
Depuis le 14 février 2024, un film biographique revitalise le message de paix universelle légué par le regretté chanteur jamaïcain Bob Marley. « One Love », réalisé par Reinaldo Marcus Green, met l’accent sur une période bien précise de cette épopée musicale et sociale, les années 1976 à 1978. À cette époque, la Jamaïque est en proie à une crise politique et économique majeure qui déstabilise la jeune nation indépendante. Robert Nesta Marley tente d’unir la population sous la bannière de la concorde, mais la violence endémique fragilise ses espoirs d’entente transpartisane. Cette lutte pour apaiser les consciences est au cœur de ce long-métrage qui dépeint les tourments d’un homme bousculé par la réalité sociale de sa terre natale. Kingsley Ben-Adir n’a certes pas les traits de Bob Marley, mais il parvient à convaincre le spectateur dans cette quête effrénée d’un idéal spirituel et artistique. Destinée à un large public, cette évocation cinématographique résume assez fidèlement les différents épisodes de « L’épopée Marley » sans trahir l’esprit du héros. Pour cela, l’équipe de production s’est entourée de conseillers crédibles au premier rang desquels Ziggy Marley qui a veillé à ce que l’image de son père soit dignement restituée. Au-delà de l’aventure musicale indissociable du discours citoyen, « One Love » narre avec acuité l’ascension progressive d’un artiste qui doit batailler contre lui-même pour rester fidèle à ses convictions. L’attentat raté dont il est la victime le 3 décembre 1976, dans sa maison d’Hope Road à Kingston, installe le doute et les remises en question, mais accélère consécutivement son ascension et nourrit sa détermination. Cet événement personnel devient un enjeu artistique et va le pousser à défendre davantage ses positions à travers ses chansons. Ce moment charnière dans son cheminement vers la notoriété planétaire est, sans doute, le principal intérêt de ce biopic qui n’élude pas les affres d’un quotidien de plus en plus exposé dans la lumière des projecteurs. La frénésie qui accompagne son statut d’icône trentenaire ne le préserve pas d’excès et de faux pas. Sa relation parfois houleuse avec son épouse, confidente, partenaire, choriste, Rita Marley, ne rompt pourtant pas le lien qui les unit. Lashana Lynch incarne avec justesse la force de caractère d’une femme confrontée aux tourments d’un mari dont elle accepte, contre vents et marées, la gloire et subit les déboires. Tous deux ont affronté les épreuves, tous deux ont résisté, tous deux forment un couple émouvant à l’écran. Bob Marley disparaît le 11 mai 1981 à seulement 36 ans, mais son aura continue de susciter admiration et respect. « One Love » n’est cependant pas un film complaisant. Il révèle les failles d’un personnage que le succès ébranlait, mais dont la force expressive pouvait contrer les dérives. ► Le film « One Love » chez Paramount Pictures.

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L’engagement vigilant de Leyla McCalla

2/8/2024
Découverte au début des années 2010 au sein des « Carolina Chocolate Drops », formation de musique traditionnelle folk américaine, Leyla McCalla est une artiste inspirée dont l’activisme social épouse les créations. Installée à La Nouvelle-Orléans depuis bientôt 15 ans, elle conjugue les différentes influences de cette terre métisse et ses racines haïtiennes ancestrales dans un élan d’universalisme assumé qui illumine chacune de ses prestations. À l’affiche du festival « Sons d’Hiver », elle prend le temps de réaffirmer ses convictions à notre micro. Lorsqu’elle fit paraître Breaking the Thermometer en 2022, Leyla McCalla voulait ostensiblement se pencher sur ses origines et susciter la réflexion à travers différentes archives radiophoniques représentatives d’une épopée douloureuse, celle du peuple haïtien confronté à l’appropriation de leur terre par les colons européens. Cet album fut unanimement salué par le public et les critiques. Il était le prolongement d’un engagement citoyen né dès ses premières créations artistiques. Déjà, en 2014, sur son premier disque Vari-Colored Songs, Leyla McCalla laissait transpirer son humeur insoumise en s’inspirant des mots du poète et romancier américain, Langston Hughes. Chaque fois que cette brillante instrumentiste exprime en chansons ses préoccupations, l’intérêt musical devient un enjeu social et patrimonial. The Capitalist Blues, paru en 2019, fut un pamphlet contre ce monde régi par l’argent où les inégalités sont des variables d’ajustement. Leyla McCalla tentait alors de réveiller les consciences et d’inciter ses contemporains à ne pas succomber à ce blues redoutable qui exclut les plus démunis. Résister à l’adversité, quelle que soit sa forme, est le combat constant auquel se livre cette talentueuse jeune femme pétrie de bons sentiments. Sa dernière production, Sun without the heat, est une mise en garde réaliste face aux redoutables inerties que nous provoquons. Nous devons accepter de changer nos habitudes, nos réflexes, nos modes de pensée, alors que le XXIè siècle accélère et, parfois, nous dépasse. « Ne redoutons pas la transformation de notre quotidien, accompagnons-la » semble-t-elle nous conseiller. Positive et pleine d’entrain, Leyla McCalla a en elle le vécu d’ancêtres malmenés par l’évolution continuelle de la société, elle sait qu’il faut être maître de son destin et ne pas le subir. Sa force de caractère est un atout non négligeable et ses textes sont de précieux enseignements à méditer lorsque l’on pose nos oreilles sur son lumineux répertoire. Le 10 février, Leyla McCalla retrouvera sa consœur Rhiannon Giddens, autre forte personnalité attachée à la source de son histoire multiculturelle, lors du bouquet final du festival « Sons d’Hiver » à Créteil, en région parisienne. ► Le site de Leyla McCalla ► Le site du festival Sons d'Hiver.

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Jontavious Willis honore ses aînés

2/1/2024
Il n’a que 28 ans et, déjà, son nom s’impose dans « L’épopée des Musiques Noires ». Originaire de Géorgie, ce jeune guitariste et chanteur, passé par les églises baptistes du sud des États-Unis, exprime avec un naturel confondant la dualité historique de la culture afro-américaine. Le sacré et le profane s’entrecroisent dans ses œuvres acoustiques héritées d’un lointain patrimoine africain. Récemment acclamé, à l’affiche du festival « Sons d’hiver », le jeune homme se raconte en toute humilité. Adoubé par les grands noms du blues ancestral, dont Taj Mahal et Keb Mo’, Jontavious Willis n’en finit pas de surprendre par sa compréhension innée d’une forme d’expression séculaire. Restituer le message des aînés est un sacré défi pour les nouveaux venus toujours prompts à embrasser la tonalité du XXIè siècle. Jontavious dénote dans cette course à l’inventivité formatée. Passionné par la rugosité rurale de sa terre natale, il aime côtoyer les pionniers de la musique populaire africaine-américaine. Sa candeur juvénile l’a même poussé à toquer à la porte de virtuoses oubliés dont il a capté en images la fringante énergie. Son « Blues Project », visible sur son site internet, présente des interviews et jam-sessions improvisées en compagnie de vétérans du blues. Qui se souviendrait aujourd’hui de Gip Gibson, Albert White, Horace Combs ou Eddie Hinton, si ce gamin de 28 ans n’était pas venu leur poser des questions devant une caméra ? Jontavious Willis est donc un musicien engagé, conscient du legs des anciens. Alors, tant qu’il le peut, il immortalise les mots et les notes de ses héros. Il sait combien il doit à ces gens dont le quotidien au XXè siècle fut malmené par une inégalité sociale pesante. L’authenticité de sa démarche irradie ses propres compositions. Ses deux premiers albums, Blue Metamorphosis et Spectacular Class, ont reçu les acclamations du public et des critiques jusqu’à une première nomination aux Grammy Awards en 2020. Le bluesman Eric Bibb ne s’y est pas trompé en invitant le surdoué sur son dernier album Ridin’. L’avenir de ce brillant interprète du blues originel est déjà tout tracé. Sa vérité artistique est un atout non négligeable qui lui permettra d’ajouter à son répertoire un discours pensé, réfléchi et fort pertinent. ► Le site de Jontavious Willis ► Le site de Sons d'hiver.

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Son House, la résurrection d’un pionnier du blues

1/25/2024
Né en 1902 à Clarksdale (Mississippi), le chanteur et guitariste Edward James House fut longtemps privé d’une notoriété qui aurait dû le hisser au rang des piliers de la culture populaire américaine. En ces temps-là, la ségrégation réduisait considérablement les chances d’exister en tant qu’artiste. Fatigué de batailler chaque jour pour faire valoir sa place dans la société, Son House jeta l’éponge au début des années 40. Ce n’est qu’en 1963 que son nom rejaillit soudain… Olivier Renault raconte cette résurrection inespérée dans une méticuleuse biographie parue aux éditions « Le Mot et Le Reste ». Être Noir aux États-Unis au début du XXè siècle n’est pas un statut social enviable. Les brimades et humiliations sont quotidiennes et l’oppression constante des autorités à l’égard des citoyens de « seconde classe » mène à la violence et à l’exclusion progressive voire définitive. Son House n’échappe pas à cette destinée tourmentée. Il est un homme pieux mais se laisse, petit à petit, emporter par les excès pour pouvoir affronter la violence de cette époque redoutable et les affres d’une existence sans grand lendemain. Pourtant, sa voix et son talent d’instrumentiste vont l’extraire de ce marasme inéluctable. Par le plus grand des hasards, il se retrouve à Grafton dans le Wisconsin où l’opportunité d’enregistrer dans les studios Paramount se présente à lui. Nous sommes en 1930, les techniques discographiques sont encore très rudimentaires mais ces premières sessions inscrivent son nom dans la légende. Son House croit en sa bonne étoile mais les obstacles sont nombreux dans cette Amérique embourbée dans ses contradictions. Le risque de chuter est réel lorsque votre couleur de peau ne convient pas à vos voisins. Comme nombre de ses contemporains, Son House fera de la prison, sera confronté aux injustices d’un système judiciaire inepte mais se relèvera toujours par la grâce, parfois, d’un bon samaritain. L’une de ces âmes sensibles fut l’ethnomusicologue et folkloriste futé, Alan Lomax. Commissionné par Washington pour nourrir le fonds d’archives sonores de la bibliothèque du Congrès, il décide de capter les chants traditionnels entendus dans le Sud rural américain. En 1941, il convie Son House à l’une de ces séances destinées à immortaliser un patrimoine en devenir. Ces précieux documents réaffirment aujourd’hui avec force la valeur de ces pionniers du blues qui, sans le savoir, écrivaient une part de l’histoire populaire afro-américaine. Son House a 40 ans, l’âge des doutes, des remises en question, des choix de vie. Il décide alors de disparaître et met de côté ses aspirations artistiques. Il comprend que ses chances de réussite sont faibles et s’éclipse pendant… 20 ans ! Ce n’est qu’en 1963 que l’on retrouve sa trace. Il s’est installé à Rochester, au nord des États-Unis, où la pression sociale est plus supportable et où il vit de petits boulots intermittents. Il faudra l’insistance de quelques jeunes amateurs de blues ancestral pour que Son House, désormais sexagénaire, accepte de remonter sur scène. Les sollicitations ressurgissent et jusqu’en 1974, ponctuellement, le vétéran retrouvera le feu des projecteurs. Son House meurt le 19 octobre 1988 à l’âge de 86 ans. Il laisse des œuvres perçues, de nos jours, comme des classiques de « L’épopée des Musiques Noires » que de nombreuses figures du blues, de la folk et du rock adapteront au fil des décennies. ► « Son House », d'Olivier Renault, aux Éditions Le Mot et Le Reste.

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Les 40 ans du Baiser Salé !

1/18/2024
Club historique de la capitale française, le Baiser Salé veille, depuis 40 ans, à offrir aux spectateurs une affiche multicolore de qualité. Véritable laboratoire pour nombre de jeunes talents, cette petite scène parisienne a révélé des artistes devenus des figures majeures de « L’épopée des Musiques Noires ». Angélique Kidjo, Richard Bona, Mario Canonge, Rido Bayonne, Étienne Mbappé, Paco Sery, entre autres, y firent leurs premières armes. Nous posons, cette semaine, nos micros au 58 rue des Lombards où les festivités se préparent en présence de nombreux musiciens. Lorsque Maria Rodriguez prit les rênes de ce haut lieu de l’agitation musicale, l’enjeu était de taille. Il lui fallait tout inventer : inviter des instrumentistes, des interprètes, fidéliser un public, susciter l’intérêt, développer des projets ambitieux, dessiner les contours d’une programmation éclectique et entretenir la réputation positive d’un vivier de talents. La tâche était imposante mais la ténacité et l’intégrité de la jeune programmatrice résistèrent à l’érosion du temps. Aujourd’hui, le Baiser Salé est une institution qui a vu passer des milliers de virtuoses. Certains venaient juste prendre un verre, d’autres s’adonnaient avec gourmandise à l’exercice de la Jam-Session. On a un peu hâtivement décrété que le Baiser Salé était le refuge des musiciens caribéens. Certes, les artistes antillais y ont trouvé un espace d’expression chaleureux mais la diversité de l’affiche présentée chaque soir démontre combien l’intention d’un élan métis est sincère. Hervé Samb, Mokhtar Samba, Sylvain Luc, Roger Biwandu, André Ceccarelli, Guillaume Perret, et tant d’autres, ont donné un éclat multiculturel à ce club quarantenaire. Si les souvenirs sont nombreux, la volonté de révéler le swing de jeunes improvisateurs reste intacte. Savoir flairer l’originalité ou la ferveur d’un nouveau venu est une exigence au Baiser Salé car la légende d’une salle de spectacles s’écrit au présent. Il faut être dans l’air du temps et répondre aux aspirations des amateurs de notes authentiques sans trahir ses convictions. Maria Rodriguez y veille au quotidien. Elle reconnaît cependant volontiers que le soutien de ses amis musiciens et leur constante loyauté ont permis de maintenir l’exigence et la qualité des concerts proposés. L’esprit de famille a contré tous les obstacles. Certains projets sont nés au Baiser Salé. Des disques y ont été peaufinés, des formations y ont grandi. À notre micro, Thierry Fanfant et Jean-Philippe Fanfant, Swaeli Mbappé et Angélique Kidjo, incarnent cette communion artistique qui nourrit le passé, le présent et l’avenir. 40 ans après ce fameux 17 janvier 1984, la flamme n’a pas vacillé ! Rendez-vous du 22 janvier au 1 février 2024 pour applaudir avec vigueur tous ces aventuriers flamboyants. ► Le site du Baiser salé.

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Jowee Omicil, une liberté révolutionnaire

1/11/2024
Le free jazz fut certainement la forme d’expression politique la plus audacieuse au XXè siècle. Il défiait le temps, les limites géographiques et se jouait des codes artistiques pour mieux les sublimer. Le saxophoniste montréalais, Jowee Omicil, a ressenti cet appel de liberté créative durant le confinement de l’année 2020. Ses racines haïtiennes ont alors guidé son intellect en pleine ébullition et ont insufflé une œuvre ambitieuse : Revitaliser l’esprit des révolutionnaires de Bwa Cayiman qui, en 1791, décidèrent de résister à l’esclavage. Cet acte fondateur nourrit aujourd’hui l’inspiration d’un héritier rebelle. Jowee Omicil a toujours eu en lui ce désir viscéral d’être un homme libre et un instrumentiste frondeur. Il n’est, certes, pas le premier à avoir défendu une forme d’insoumission artistique. Max Roach, avant lui, avait imposé sa vision d’un jazz engagé en publiant, en 1960, un album devenu légendaire, We insist, freedom now suite porté par la voix intransigeante de son épouse, la chanteuse Abbey Lincoln. Le saxophoniste Ornette Coleman fut aussi un trublion capable de bousculer les codes du swing originel. Il est finalement logique que Jowee Omicil, nourri des enseignements de ses aînés, perpétue cette redoutable manière d’interroger l’histoire et ses contemporains. Curieusement, alors que la source culturelle de leurs expressivités n’est pas la même, on se plait à déceler cette défiance du convenu dans leurs œuvres respectives. Comment ne pas entendre, par exemple, l’écho d’un John Coltrane interprétant « Alabama » dans le Lament 4 Ayiti de Jowee Omicil ? La longue improvisation discographique que nous présente notre multi-instrumentiste aujourd’hui est le fruit d’une introspection mûrie qui jaillit subitement avec force et exaltation. Spiritual Healing : Bwa Kayiman Freedom Suite n’est pas immédiatement accessible si le contexte n’est pas conté, étudié, balisé. Il faut se plonger dans l’histoire de la lente indépendance haïtienne pour comprendre l’intention du virtuose. Qui étaient ces esclaves africains prêts à se soulever, le 14 août 1791, sur les terres d’un riche propriétaire blanc de la commune de Morne-Rouge en Haïti. Comment ont-ils bravé l’interdit ? Quelles conséquences a eu cette bravoure au XIXè siècle ? Tout est dit dans les 21 tableaux musicaux que dessine Jowee Omicil au fil de son interprétation. Il lui fallait cependant s’entourer de compagnons investis et inventifs pour magnifier cette audacieuse fresque sonore. Randy Kerber et Jonathan Jurion (claviers), Arnaud Dolmen et Yoann Danier (percussions), Jendah Manga (basse) se sont libérés en studio et ont épousé les fulgurances du chef d’orchestre. Cette suite incantatoire est un défi de taille que les oreilles étriquées ne pourront pas appréhender. Il faut accepter cette proposition musicale avec un esprit d’ouverture et beaucoup de considération car convoquer ses ancêtres est un exercice périlleux mais souvent salvateur. ⇒ Le site de Jowee Omicil.

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Le centenaire de Max Roach

1/4/2024
Pour prendre conscience de l’importance de Max Roach dans « L’épopée des Musiques Noires », il suffit de citer les musiciens avec lesquels il a écrit de grands chapitres de l’histoire du jazz. Ce batteur incroyable a partagé la scène ou œuvré en studio avec Charlie Parker, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, Sonny Rollins, Charles Mingus, Duke Ellington, Coleman Hawkins, Clifford Brown... En d’autres mots, les pionniers du swing ancestral. Cette proximité avec les grandes figures d’antan lui avait permis d’acquérir un savoir et un esprit critique qui le distinguaient de ses contemporains. Converser avec Max Roach était souvent riche d’enseignements. Sa vie entière fut une succession de soubresauts créatifs qui lui permettaient d’avoir un discours tranché sur l’apport culturel du jazz. Non content de côtoyer les agitateurs de la culture afro-américaine du XXe siècle, Max Roach en fut aussi l’un des acteurs majeurs. Dès les années 40, il participait à la genèse d’un genre musical qui allait révolutionner le paysage musical d’alors : le bebop. Dans les années 50 et 60, il inventera une forme de militantisme sonore destiné à bousculer les mentalités. L’un de ses plus véhéments brûlots contre le racisme et pour une égalité sociale réelle fut un album, paru 1961, intitulé « We Insist, Freedom, Now Suite ». Ce disque appelait à un sursaut citoyen alors que les exactions des autorités blanches continuaient de contraindre le quotidien de la communauté noire. Au-delà de la situation américaine, cette œuvre majeure évoquait également l’oppression sur d’autres continents et, notamment, l’Afrique victime d’une colonisation séculaire. La chanteuse Abbey Lincoln, épouse de Max Roach, activiste de la première heure, participait évidemment à ce projet ambitieux en laissant jaillir sa verve poétique dans sa voix rebelle et insoumise. Max Roach, Abbey Lincoln, Charles Mingus, Nina Simone, et tant d’autres, ont hurlé leur colère, face à l’injustice, aux brimades et aux humiliations. Max Roach n’a jamais contesté le fait que son art était politique et s’inscrivait dans l’évolution des mœurs et des sociétés à travers les âges. Le rap était pour lui le fruit savoureux de son propre engagement initié des décennies plus tôt. « Dans les écoles publiques américaines, l’enseignement de la musique fut longtemps négligé. Par conséquent, tous ces gamins issus des ghettos n’avaient d’autres solutions pour se divertir que d’écouter des disques. C’est ainsi qu’est né le scratch. Ne pouvant jouer sur des instruments, ils ont appris à jouer avec les disques. Ils ont créé une rythmique particulière sur laquelle ils ont inventé une poésie qui leur était propre et qui décrivait leur quotidien, leur quartier, leur voisinage. L’impact des mots au sein de la communauté noire aujourd’hui est énorme. La violence, la dureté des propos, traduisent la rage d’une génération livrée à elle-même qui n’a pas eu la chance d’étudier les arts, la poésie, la littérature, et s’est construite seule en inventant un langage, une culture. Ces jeunes gens ont été exclus de la vie politique mais l’art est suffisamment malléable pour inscrire dans son histoire toutes les nuances sociales. Ainsi, les rappeurs ont réussi à faire entendre au monde entier la détresse de la communauté africaine-américaine. Qui se serait inquiété de la situation des noirs aux États-Unis si le rap n’avait pas véhiculé ce message à l’échelle planétaire ? Nous avons découvert un univers de violence où la drogue fait des ravages, y compris, parmi les plus jeunes. Les artistes d’aujourd’hui dénoncent ces situations et lancent un appel à l’aide, à leurs aînés, à leurs semblables, à leurs gouvernements. Il est toujours aussi étonnant d’assister à ce processus artistique qui pousse la nature humaine à résoudre ses propres problèmes ». (Max Roach au micro de Joe Farmer) Max Roach était un homme intelligent. Il savait que la clé de l’épanouissement artistique était la nouveauté. Il lui fallait rester à...

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Retour sur une année palpitante

12/28/2023
Outre la 1000eme « Épopée des Musiques Noires » que nous avons eu l’honneur de célébrer en novembre dernier en compagnie d’Angélique Kidjo, de nombreux autres moments radiophoniques ont rythmé cette année 2023 enthousiasmante. Des rencontres inédites, des reportages in vivo, des prestations captivantes, des entretiens passionnants, des instants privilégiés au cœur d’une agitation culturelle permanente. Il y eut des conversations improvisées avec Marcus Miller, Femi Kuti, Dee Dee Bridgewater et Steve Coleman à Coutances en Normandie. Il y eut le 40 anniversaire du Cully Jazz Festival en Suisse et cette discussion à bâtons rompus avec l’illustre cantatrice Barbara Hendricks. Il y eut ce bref moment d’échange musical avec Chris Isaak à Montreux, heureux de ponctuer ses propos de quelques notes de guitare bien senties. Il y eut la disponibilité des Staples Junior Singers, prêts à affronter la canicule de « Jazz à Vienne » pour délivrer sur scène et à notre micro un message œcuménique. Les instants de bonheur radiophonique ne se mesurent cependant pas à la notoriété de nos interlocuteurs. Une simple intention artistique peut parfois susciter l’envie de questionner un musicien, un interprète, un auteur ou un producteur. Les propos paisibles de Simon Goubert et Ablaye Cissoko, l’humilité de Mokhtar Samba, le discours réfléchi de Billy Valentine, l’enthousiasme de Robin McKelle, la voix si séduisante de la jeune Samara Joy, toutes ces vibrations sont autant d’émotions ressenties dans nos studios au fil des 12 derniers mois. Et quelle chance de pouvoir écouter le récit de tous ces virtuoses dont la confiance nous honore. Vieux Farka Touré, Roger Biwandu, Sonny Troupé, Hermon Méhari, Hervé Samb, Nicole Slack Jones, Lee Fields, Eric Bibb, Conti Bilong, Jonathan Butler, Baï Kamara Jr, Moreira Chonguiça, Boney Fields, et tant d’autres, nous ont ouvert leur cœur en acceptant de se livrer sincèrement. Ils sont venus de tous horizons, de Mozambique, d’Érythrée, de Guadeloupe ou d’Afrique du Sud. Ils ont illustré la richesse des musiques afro-planétaires que nous défendons dans ce magazine et que vous suivez fidèlement chaque semaine sur nos ondes. Merci à vous. Que l’année 2024 vous soit douce !

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Un tube peut en cacher un autre…

12/21/2023
En cette veille de Noël, amusons-nous un peu… Sauriez-vous déceler, derrière les ritournelles que vous fredonnez chaque jour, les auteurs ou interprètes originaux ? Avant les Fugees, qui chantait « Killing me softly » ? Avant UB40, qui avait créé « Kingston Town » ? Et avant Elvis Presley, qui interprétait « Hound Dog » ? Marc Maret est un archiviste passionné dont le passe-temps est de dénicher les versions initiales de classiques de la pop-music mondiale. Il présente, aux éditions Hors Collection, un ouvrage fort ludique réunissant 100 compositions historiques devenues des tubes bien après leur création. Marc Maret évolue au milieu des disques depuis des décennies. Ancien responsable de la discothèque de Radio France, il a largement eu le temps de se plonger dans les trésors du patrimoine enregistré. Il a, de fait, acquis un savoir qui lui permet de déjouer tous les pièges de l’engouement populaire. Nous ne faisons pas spontanément l’effort de nous interroger sur la paternité des œuvres que nous écoutons quotidiennement. Lorsque nous nous réjouissons de taper du pied en regardant les Blues Brothers se lancer dans un tour de chant cinématographique trépidant, cherchons-nous instantanément à connaître les créateurs originels de leur répertoire ? Non ! Une culture musicale se nourrit de notre quête de vérité. Plus nos connaissances s’affinent, plus notre oreille décèle les relectures et, parfois, les impostures. De là à considérer que toute adaptation relève de la forfaiture, il y a un pas que nous ne franchirons pas car certaines appropriations artistiques sont suffisamment inspirées pour atteindre une indéniable légitimité. Qui contesterait aujourd’hui l’indiscutable version du classique « Hey Joe » par Jimi Hendrix ? Plus personne. Il serait pourtant honnête de rappeler que cette composition n’est pas de lui mais d’un certain Billy Roberts. Encore que cette assertion soit toujours sujette à controverse… La transmission d’un héritage sonore, notamment dans « L’épopée des Musiques Noires », interroge souvent les historiens car les documents rares, manquants ou incomplets, ne permettent pas toujours d’identifier un parolier ou un instrumentiste. Beaucoup de chansons, parvenues jusqu’à nous, sont nées de la tradition orale insufflée par les esclaves africains sur le territoire américain, il y a des siècles. Ce folklore ancestral véhiculait des chants, des danses, des contes, dont il est très difficile aujourd’hui de cibler l’origine. Il faut donc accepter que l’approximation des sources ne puisse pas toujours donner la réponse à un questionnement. L’avènement de l’enregistrement sonore au début du XXè siècle a conduit les musiciens et producteurs de disques à référencer leurs œuvres avec plus de rigueur. Grâce à ce travail de fourmis, certes fort fastidieux, nous sommes en mesure désormais de nommer les vrais créateurs. Ce progrès indéniable devrait nous encourager à fouiner davantage et à ne plus seulement se contenter d’un aperçu sommaire. Le livre de Marc Maret y contribue. Nous ne pouvons que nous en féliciter !

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Le Manu Dibango Orchestra vivra !

12/14/2023
En ce mois de décembre 2023, le saxophoniste Manu Dibango aurait fêté son 90ème anniversaire ! Bientôt 4 ans après sa disparition, ses anciens partenaires de scène et de studio ne peuvent se résoudre à voir disparaître un patrimoine sonore imposant. Le Manu Dibango Orchestra doit vivre et perpétuer en musique le message d’unité et de tolérance que le fringant patriarche avait insufflé. Claire Diboa, Julien Agazar et Philippe Davesne, compagnons de route de Manu Dibango, se souviennent de leur cheminement aux côtés du maestro et nous annoncent le retour d’un orchestre historique. C’est un sacré défi que doivent aujourd’hui relever tous ceux qui eurent le privilège de côtoyer, collaborer, œuvrer aux côtés de Manu Dibango. Outre la nécessité de préserver légalement un héritage massif, il faut continuer à susciter l’engouement du public. Depuis 2018, le label Soul Makossa réédite consciencieusement, album par album, l’ensemble de la discographie du chef d’orchestre. Récemment, Sun Explosion a retrouvé des couleurs grâce à une remastérisation appliquée qui donne un nouvel éclat à cette production de 1978. Ainsi, chaque année, devraient paraître un ou deux albums du catalogue légué par cette grande figure de « L’épopée des Musiques Noires ». Des enregistrements réalisés peu avant sa disparition, survenue en mars 2020, devraient également voir le jour dans les mois qui viennent. Converser avec les proches de Manu Dibango est une manière de ranimer la flamme. C’est aussi l’occasion de se souvenir de grands moments : l’investiture de Nelson Mandela à Pretoria en 1994 auquel il prit part, sa participation aux différents sommets de la Francophonie à Paris, Nice et Rio, son « Safari Symphonique » sur les scènes françaises en 2019, ses 80 ans à l’Olympia en 2014, etc. La vie tumultueuse de Manu Dibango est un roman que l’on n’a pas fini d’écrire. Son orchestre vivra et de nouvelles prestations sont attendues en 2024. Le Ronnie Scott’s, club légendaire de la capitale britannique, accueillera les musiciens de Manu Dibango, le 10 février 2024, pour une fastueuse célébration du leader et de son vaste répertoire. 2025 devrait également solliciter notre écoute attentive. 5 ans après le départ de Manu Dibango, une tournée mémorielle, des parutions discographiques inédites et de nouvelles rééditions sont annoncées. Le MDO (Manu Dibango Orchestra) exaucera son vœu de pérenniser l’intention universaliste de la musique. En coulisses, chacun se prépare. Les musiciens, les équipes organisatrices, le management, les juristes, ils sont tous convaincus que cet impressionnant édifice, bâti pas à pas par Manu Dibango au fil des décennies, doit résister à l’érosion du temps et continuer à porter une parole consensuelle et altruiste. ⇒ Facebook de Manu Dibango - Officiel.

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Joshua Redman scrute les États-Unis

12/7/2023
Dans son nouvel album, Where are we ?, le saxophoniste Joshua Redman s’interroge sur son pays pétri de contradictions. En adaptant des œuvres du répertoire populaire américain, de Bruce Springsteen à John Coltrane, il tente de décrire les États-Unis tels qu’il les perçoit et les ressent. Jazzman de grand talent, il a en lui l’héritage culturel de ses aînés mais s’en remet davantage à ses émotions pour exprimer sa vision d’une Amérique contemporaine bousculée par son histoire sociale d’hier et d’aujourd’hui. Adapter une œuvre comme « Alabama », créée en 1963 par le saxophoniste John Coltrane, n’est pas anodin. Cette composition, inspirée de l’homélie du pasteur Martin Luther King après l’assassinat de 4 jeunes filles noires dans une église de Birmingham, a été un moment fort du mouvement des droits civiques il y a 60 ans. L’audacieuse relecture qu’ose Joshua Redman aujourd’hui témoigne de la triste pérennité des exactions racistes outre-Atlantique. « Je ne pensais à rien en interprétant ce titre. J’essayais juste d’être le plus honnête, intègre, créatif, engagé et passionné possible. Cela dit, nous avons beaucoup avancé depuis cette époque. Si je compare ma vie à celle de mon père, si je me réfère à son quotidien, aux interdictions auxquelles il était confronté, aux endroits qu’il ne pouvait pas fréquenter parce qu’il était noir, à cette discrimination qu’il devait supporter, je me dis que ma vie est beaucoup plus simple et que beaucoup de progrès ont eu lieu en un demi-siècle. Certes, le disque débute avec la chanson « After Minneapolis » qui est ma réaction à l’assassinat de George Floyd et s’achève avec « Alabama » de John Coltrane. Je ne peux donc pas nier le fait que mon inspiration a été guidée par tous ces événements tragiques. Je veux juste dire qu’il y a encore des combats à mener même si la société américaine ne cesse de s’améliorer ». (Joshua Redman au micro de Joe Farmer) Pour le soutenir dans cet état des lieux musical d’une Amérique en perpétuelle mutation, Joshua Redman a fait appel, pour la première fois de sa carrière, à une voix féminine capable d’exprimer des émotions que son indéniable virtuosité peut alors magnifier. Gabrielle Cavassa n’est certes pas encore une personnalité reconnue à l’échelle internationale mais elle provoque ce frisson irrésistible quand une chanson appelle à l’examen de conscience. « Il est évident que beaucoup de gens vont la découvrir sur cet album. Pour autant, je ne peux pas dire que je suis celui qui la présente au monde entier. Elle a gagné le prix Sarah Vaughan de meilleure vocaliste jazz, il y a quelques années, elle a une carrière plutôt florissante. Il y a, dans la voix de Gabrielle, une vulnérabilité et une intimité sensuelle que j’aime beaucoup. Son phrasé m’inspire. J’ai toujours envie d’en entendre davantage avec elle. De toute façon, toutes les chanteuses que j’écoute peuvent exprimer beaucoup plus d’émotion que je ne le peux au saxophone. La voix humaine est certainement l’instrument le plus expressif sur la planète. En tant que saxophoniste, j’essaye de me rapprocher de cela mais personne ne peut rivaliser avec une tonalité vocale naturelle. Il se trouve que Gabrielle est particulièrement expressive. Cela dit, je ne me disais pas : « Je vais imiter Lester Young face à Billie Holiday ». Je dois vivre dans l’instant présent et exprimer ce que je ressens aujourd’hui. Bien sûr, nous nous reposons sur nos aînés mais nous devons traduire en musique notre propre vécu, notre propre expérience ». (Joshua Redman sur RFI) Where are we ? est le premier album de Joshua Redman pour le fameux label Bue Note Records. À 54 ans, le saxophoniste a appris à ne pas s’enflammer quand des lauriers couronnent chaque étape de son développement artistique. Pour autant, signer un contrat avec une maison de disques aussi prestigieuse ne le laisse pas indifférent. « C’est plutôt plaisant ! Qui refuserait de signer avec Blue Note ? Tout ce que je sais de l’histoire du jazz, je le dois à ce...

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Lead Belly, le plus célèbre des compositeurs inconnus

11/30/2023
Depuis sa disparition en 1949, le chanteur et guitariste afro-américain Huddie William Ledbetter a progressivement inscrit son nom dans le patrimoine des musiques populaires américaines. Inconnues du grand public pendant des décennies, ses œuvres rejailliront à partir des années 60 grâce à une foultitude d’artistes revitalisant son répertoire. Harry Belafonte, Bob Dylan, Led Zeppelin, Nirvana, Eric Bibb, entre autres, adapteront au fil des années les mélodies de Lead Belly. Amaury Cornut, notre invité, consacre un ouvrage entier à ce troubadour folk trop peu célébré. La date de naissance de Lead Belly est incertaine… 1885, 1888, 1889 ? On sait qu’il est originaire de Mooringsport en Louisiane et fait partie de ces pionniers mésestimés contraints de résister à l’oppression constante d’une Amérique ségrégationniste. Ses nombreux séjours en prison sont autant le fait d’une justice expéditive que d’un tempérament rebelle. À l’aube du XXè siècle, les exactions racistes sont tristement la norme aux États-Unis, notamment, dans le Sud. Exister dans une société aussi inégalitaire suppose un courage à toute épreuve et un esprit frondeur. Lead Belly n’est certes pas un enfant de chœur, mais il doit apprendre à survivre dans cette atmosphère délétère. Il lui faudra cependant miser sur la chance pour sortir d’une impasse sociale à laquelle la population africaine-américaine est confrontée quotidiennement. Il doit son salut à plusieurs personnages suffisamment curieux et intuitifs pour déceler son talent et l’extraire d’une vie tumultueuse. John et Alan Lomax, deux passionnés de musique traditionnelle américaine, seront les premiers à capter devant un micro les aptitudes mélodiques et poétiques de Lead Belly. Leurs enregistrements destinés à la Library of Congress (Bibliothèque du Congrès) à Washington sont aujourd’hui considérés comme des témoignages uniques de la vitalité culturelle d’alors. Grâce à ces deux archivistes bien inspirés, Lead Belly échappera à la pesanteur existentielle des états sudistes pour briller plus au nord, notamment à New York, où il fera sensation. Sa notoriété croissante ne le préserve cependant pas des brimades et humiliations auxquelles il répond avec aplomb et maladresse. Il sent que sa vie s’accélère et veut profiter du rythme frénétique que son nouveau statut lui offre. Il n’en reste pas moins un homme effronté qui se joue des règles et de la bienséance. Entre deux escapades, il parvient malgré tout à enregistrer des compositions qui deviendront des documents historiques et des marqueurs temporels. À cette époque lointaine, le blues est l’identité artistique de la communauté noire outre-Atlantique. Même s’il accepte d’interpréter en studio quelques ritournelles échappées de ce répertoire profane, Lead Belly se voit davantage comme un orateur folk, un conteur qui se nourrit de ses aventures ou mésaventures diverses pour concevoir un tour de chant. À la fin de sa vie, juste après la Seconde Guerre mondiale, il sera enfin perçu par ses contemporains comme un brillant parolier dont se réclameront de futures figures majeures : Woody Guthrie et Pete Seeger, par exemple. Lorsqu’il disparaît, le 6 décembre 1949, ses œuvres ne sont pas encore entrées dans le patrimoine populaire. Il faudra attendre les années 60 pour que, progressivement, ses textes suscitent l’intérêt de jeunes talents captivés par les messages d’un aîné tombé en désuétude. Il convient toutefois de préciser que certains airs, attribués à Lead Belly, étaient déjà des adaptations de mélopées façonnées par le temps. « Where did you sleep last night ? », « Irene », « Rock Island Line », « Midnight Special » ou « Black Betty », sont le fruit d’une tradition orale héritée de l’Afrique ancestrale. Mais qui peut se plaindre aujourd’hui que cette richesse musicale nous soit ainsi restituée ? ⇒ « Lead Belly », d'Amaury Cornut, aux éditions Le Mot et le Reste.

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