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Européen de la semaine

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Chaque semaine, la rédaction Europe de RFI, fait le portrait d’un Européen qui est au cœur de l’actualité. Un portrait qui permet de découvrir les acteurs du monde dans lequel nous vivons et d’éclairer les évènements que nous commentons et dont nous témoignons dans les journaux de RFI.

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France

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Chaque semaine, la rédaction Europe de RFI, fait le portrait d’un Européen qui est au cœur de l’actualité. Un portrait qui permet de découvrir les acteurs du monde dans lequel nous vivons et d’éclairer les évènements que nous commentons et dont nous témoignons dans les journaux de RFI.

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Marie-Agnes Strack-Zimmermann, tête de liste Renew aux élections européennes

5/4/2024
Elle est très connue en Allemagne et devra se faire un nom désormais sur la scène européenne : Marie-Agnes Strack-Zimmermann sera l’une des trois têtes de liste du groupe centriste Renew lors du scrutin du 9 juin, aux côtés de la Française Valérie Hayer et de l’Italien Sandro Gozi. Députée au Bundestag depuis 2017, membre du parti libéral allemand FDP, elle prône une aide militaire accrue à l’Ukraine et c’est sur ce point en particulier qu’elle devrait faire campagne. Ses premières prises de parole en tant que candidate aux européennes ont porté sur l’Ukraine et sur les questions de défense : pour Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la guerre lancée par Vladimir Poutine a montré à l’Union européenne qu’elle devait s’affirmer en tant que puissance militaire. « Nous devons rester unis, nous devons créer une défense commune, a-t-elle ainsi lancé lors du premier débat organisé à Maastricht, le 29 avril, entre les têtes de liste des principaux groupes européens. Nous devons nous réveiller en tant qu’Union européenne, et nous devons le faire maintenant ! » Chevelure argentée, visage sec et parfois sévère, Marie-Agnes Strack-Zimmermann s’est fait un nom en Allemagne à la tête de la Commission de la défense du Bundestag. Une parlementaire de choc, appréciée pour sa pugnacité mais aussi pour son sens de la formule. « Il faut l'écouter en allemand, car alors on comprend combien elle est directe et comment elle s'est fait comprendre par le grand public, souligne Sandro Gozi, eurodéputé Renew qui sera à ses côtés l’un des porte-drapeaux du groupe centriste pour l'élection du 9 juin. Elle est invitée en permanence des talk-shows allemands parce qu’elle sait se battre dans les débats télévisés. Elle a un caractère très combatif, mais elle utilise aussi un langage très direct, sans jamais être vulgaire mais très franc. » Un chancelier hésitant Aujourd’hui âgée de 66 ans, fan de moto et mère de trois enfants, Marie-Agnes Strack-Zimmermann rêvait quand elle était jeune de devenir journaliste radio. Mais elle fera carrière dans l’édition, avant d’opter pour la politique locale à Düsseldorf, puis nationale dans les rangs du parti libéral FDP. Et c’est donc au Bundestag, à la tête de la Commission de la défense qu’elle s’illustre, en critiquant la faiblesse du soutien militaire apporté à l’Ukraine par Olaf Scholz, le chancelier allemand. « Elle s’est positionnée face à un chancelier qui est extrêmement hésitant sur ces questions, décrypte Delphine Deschaux-Dutard, maîtresse de conférence à l’Université de Grenoble-Alpes et directrice adjointe du Centre d’études internationales sur la sécurité internationale (Cesice). Il y a des allers-retours depuis 2022, avec des phases où Olaf Scholz est très allant sur les questions de défense, et puis d'autres phases où il l’est moins - comme actuellement avec la question de la livraison des missiles Taurus. Et c'est là qu’elle peut jouer un rôle en tant que présidente de la Commission défense. » Les missiles Taurus, ces missiles de croisière que l’Ukraine demande à l’Allemagne mais qu’Olaf Scholz refuse de livrer, sont au cœur d’une bataille politique qui divise profondément la coalition « tricolore » au pouvoir à Berlin (Socialiste, Libéraux, Verts). Les missiles de la discorde « Marie-Agnes Strack-Zimmermann rejette les arguments avancés par Olaf Scholz, abonde Hans Stark, professeur à la Sorbonne et conseiller à l’Institut française de Relations internationales. Le chancelier pointe la portée de 500 kilomètres des Taurus, qui permettrait à l’Ukraine de frapper Moscou. Or, certains experts disent qu’il est possible de réduire cette portée. Olaf Scholz explique aussi qu’il faut des soldats allemands sur place pour contrôler l’emploi des Taurus. Là encore, les experts disent que d’autres peuvent le faire à la place des Allemands… Ce sont ces contradictions que dénonce Marie-Agnes Strack-Zimmermann – alors qu’à ses yeux la livraison des Taurus permettrait aux Ukrainiens de frapper le pont de Kertsch, et...

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Ursula von der Leyen, tête de liste du PPE pour les élections européennes

4/27/2024
Ursula von der Leyen ambitionne d’être reconduite à la tête de la Commission européenne pour un nouveau mandat de cinq ans. Elle a reçu l’aval de sa famille politique le mois dernier lors du congrès du PPE à Bucarest. Figure la plus connue des institutions européennes, l’Allemande, tête de liste du Parti populaire européen, pour l’élection de juin, a su manœuvrer face aux crises qui ont émaillé son mandat, mais elle est aussi critiquée pour ses méthodes de gestion jugées trop autoritaires. Louée ou vilipendée, Ursula von der Leyen est aujourd’hui le visage de l’Union européenne. « C’est l’une des femmes les plus connues au monde. Joe Biden ne doit plus réfléchir à qui téléphoner lorsqu’il veut régler des affaires européennes », souligne l’eurodéputé belge germanophone Pascal Arimont. Quasi inconnue sur la scène internationale il y a cinq ans, la ministre de la Défense d’Angela Merkel avait été élue présidente de la Commission européenne, avec une majorité de neuf voix seulement. Elle était arrivée là un peu par hasard, placée par les 27 en dépit des usages, poussée, en particulier, par le président français Emmanuel Macron, qui s’était opposé à la nomination de Manfred Weber, pourtant chef de file du PPE, arrivé en tête des européennes. À l’époque, irrité par la manière dont elle avait été désignée, Pascal Arimont, bien que membre du PPE, avait voté contre sa candidature. Cinq ans après, il a revu son jugement, la gratifiant d’un « bon 7 sur 10 », pour « sa manière de donner un visage à une Europe soumise à ces multiples crises des cinq années dernière, surtout la guerre en Ukraine, le Covid. C'est vraiment une bosseuse. Ça se voit aussi dans la multitude des textes sur lesquels on a dû travailler ». L’Allemande, âgée de 65 ans, mère de sept enfants, est « une politicienne très expérimentée, parfois dure, qui défend ses objectifs. Elle a fait avancer les réponses européennes dans des situations particulièrement difficiles », note Daniela Schwarzer, directrice du programme européen du German Marshall Fund à Berlin et membre du Conseil d'administration de l'Institut Jacques Delors. Entre l’épidémie mondiale de Covid et la guerre en Ukraine, Ursula von der Leyen a dû affronter une multitude de crises. Au cours de son mandat, elle s'est notamment illustrée pour la mise en place du Pacte vert, l'achat commun de vaccins et sa défense acharnée de l'Ukraine. Un mandat émaillé de polémiques Mais son mandat a aussi connu une série de scandales. « Quand on travaille beaucoup, on fait aussi des erreurs », relève Pascal Arimont. Durant la pandémie, elle est mise en cause dans le « Pfizergate », avec ces SMS échangés avec le PDG du groupe pharmaceutique qui fabrique des vaccins achetés avec les fonds publics européens, qui donne lieu à une enquête du Parquet européen. Plus généralement, on lui reproche une gestion opaque, trop centralisée. Le député français MoDem Philippe Latombe a récemment signé un billet dans la Tribune intitulé « Pourquoi Ursula von der Leyen ne doit pas rester présidente de la Commission européenne ». L’élu centriste français y dénonce « le tropisme atlantiste de la présidente la Commission européenne (qui) la pousse à des choix discutables au regard des intérêts des citoyens européens ». Il cite « le manque de transparence »dans l’attribution des contrats avec Pfizer, mais aussi l’épisode de la nomination avortée de l’Américaine Fiona Scott Morton à la direction générale de la concurrence ou l’attribution du poste d’envoyé spécial pour les PME à Markus Pieper, un député allemand de la CDU, sa famille politique. « Elle le nomme contre l'avis de tout le monde et sans écouter ce que disent les parlementaires européens. Et ça n’est pas elle qui le démet à l’arrivée, c’est Pieper qui dit : je ne pourrais pas exercer mes fonctions dans ce cadre de défiance. Elle n'a pas écouté qui que ce soit. Ça n’est pas normal », dénonce Philippe Latombe. Contestée au sein de sa famille Ursula von der Leyen « est contestée, y...

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Pello Otxandiano, l’indépendantiste basque qui ne veut pas encore du pouvoir

4/19/2024
Ce dimanche 21 avril se tiennent les élections régionales au Pays basque. Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, une autre formation nationaliste que le parti nationaliste basque pourrait bien l’emporter. Il s’agit d’Euskal Herria Bildu, une formation que beaucoup estiment être liée à l’ancien groupe terroriste ETA. Un parti souverainiste, indépendantiste et radical de gauche qui a placé comme tête d’affiche pour ce scrutin un certain Pello Otxandiano. C’est un personnage sorti de nulle part pour nombre d’Espagnols, mais qui, en l’espace de quelques années, a fait preuve d’une ascension fulgurante. Pello Otxandiano, né dans le village qui porte le nom de sa famille, ingénieur de 41 ans, défenseur de la langue et de la culture basque, amant de la nature et de la montagne, pianiste autodidacte, père de deux enfants, a su, en un peu plus de dix ans, s’imposer comme la figure à même de convaincre les électeurs basques que son parti pouvait être celui du changement. « Il illustre le renouvellement de EH Bildu, qui est un parti associé au souvenir du terrorisme de l'ETA, développe Benoît Pellistrandi, historien et spécialiste de l’Espagne. En choisissant Pello Otxandiano, le parti a voulu procéder à un changement d'image. Cet homme, tout en étant dans le milieu militant du parti, a fait ses classes chez les jeunes de Bildu, c’est-à-dire le groupe Sortu, et permet à EH Bildu de récupérer le vote de l'ensemble de la gauche, et de la gauche radicale, qui s'est effondré aux pays basques, et de pouvoir prétendre gagner les élections, à défaut peut-être de pouvoir gouverner la région. Donc, Pello Otxandiano, il est absolument essentiel dans le changement, non pas d'identité, mais d'image du groupe politique EH Bildu. » Un candidat qui sait convaincre les jeunes électeurs Un changement d’image, mais aussi un renouvellement de l’électorat. Car l’ETA a cessé toute activité criminelle depuis 2011 et a même annoncé sa dissolution en 2018. Et pour une partie de l’électorat basque, la proximité entre EH Bildu et l’organisation terroriste basque indépendantiste d'inspiration marxiste-léniniste n’est pas un facteur qui compte. « Je ne pense pas que ce soit lui qui fasse gagner les élections, considère Maria Elisa Alonso, politologue, enseignante et chercheuse à l’Université de Lorraine. C'est vraiment le parti, parce qu'après que l'ETA a abandonné les armes, ce parti-là s'est vraiment inscrit dans une dynamique démocratique. Et c'est vrai que ce parti a réussi à faire tout un travail de renouvellement des cadres. Mais surtout, cette formation attire énormément les jeunes électeurs qui n'ont pas connu les années noires de l'ETA et qui finalement se sentent très proches de EH Bildu. Parce que ce parti répond aux demandes des jeunes, il se met du côté de l'environnement, en faveur du progrès social, donc il est très proche des demandes des jeunes. » Encore trop tôt pour prendre la direction de la région EH Bildu était légèrement en tête des derniers sondages avant le scrutin de dimanche. Et comme le précise Maria Elisa Alonso, cette avance est en grande partie due au fait que ce parti a su convaincre les jeunes électeurs. Mais il y a également le travail local au niveau des nombreuses mairies gérées par cette formation qui a permis d’attirer de nouveaux électeurs. Ce travail doit se poursuivre pour pouvoir convaincre à terme plus de cinquante pour cents de l’électorat. Ce n’est qu’alors que EH Bildu envisagerait de prendre la présidence de la région. « EH Bildu n'est pas opposé à l'idée de ne pas gagner le gouvernement de la région, de laisser les socialistes et le parti nationaliste basque gouverner encore une législature parce que EH Bildu a un projet de long terme et ils ont compris que ce serait d'une certaine façon la meilleure façon d'user et les socialistes et les nationalistes basques traditionnels que de les laisser gouverner encore quatre ans », observe Benoît Pellistrandi. Pello Otxandiano assume parfaitement la...

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Peter Pellegrini à la tête de la Slovaquie: la revanche de l’éternel numéro 2 de Robert Fico

4/12/2024
Il a été élu, le week-end du 6-7 avril, à la tête de la Slovaquie. Peter Pellegrini s’est imposé à la présidentielle. L’ancien Premier ministre l’a emporté face au diplomate pro-européen Ivan Korcok. C’est aussi une victoire pour l’actuel chef de gouvernement, le nationaliste Robert Fico, dont Peter Pellegrini a toujours été l’un de ses meilleurs alliés. Toute sa carrière politique, cet économiste de formation l'a faite sous la bannière du SMER-SD, le parti de Robert Fico. Peter Pellegrini a été élu député en 2006 avant d'enchaîner les postes : ministres aux Finances ou encore aux Sports, président du Parlement, avant de devenir Premier ministre, à la place de… Robert Fico ! À 48 ans à peine, le voilà élu président de la Slovaquie. Un parcours fulgurant grâce notamment à une certaine souplesse idéologique pour Juraj Marusiak, chercheur en sciences politiques à l'Académie slovaque de sciences à Bratislava : « C'est un homme politique très pragmatique, et la plupart du temps, il a agi comme un technocrate. Il a toujours été en quelque sorte le numéro 2 du parti SMER et il a toujours été dans l'ombre de son mentor politique, Robert Fico. » Un modérateur ? Peter Pellegrini s'est présenté ces derniers mois comme un modérateur dans la coalition gouvernementale. Il s'est porté garant de l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne et à l'Otan, malgré son refus d'aider l'Ukraine. Au soir de son élection, il a aussi promis « d'unifier » le pays, très divisé : « Je serai aux côtés de la Slovaquie et les intérêts slovaques seront toujours prioritaires pour moi, quelle que soit l'opinion des gens. » À la présidence du pays, Peter Pellegrini continuera à servir Robert Fico : un discours pro-russe et nationaliste. S'il a fini par lancer son propre parti, le HLAS, Peter Pellegrini n'a jamais vraiment rompu avec son mentor politique. Mais le nouveau président pourrait finalement prendre des libertés par rapport au chef du gouvernement. À lire aussiSlovaquie: la guerre en Ukraine, thème central du deuxième tour de l'élection présidentielle « Il va essayer de créer son propre chemin », estime le Milan Nic, analyste slovaque au Conseil allemand de relations internationales, un centre de réflexion basé à Berlin. « J'imagine que Peter Pellegrini va essayer d'aider le gouvernement, mais que dans le même temps, il pourrait être un bon partenaire pour ses homologues étrangers, atténuer les dérives de Fico et apporter un autre canal de dialogue pour garder la Slovaquie dans l'orbite de l'Union européenne et de l'Otan, même si Robert Fico se rapproche de Viktor Orban ou de Moscou », explique-t-il. « Il sera dépendant du soutien politique de Robert Fico », juge au contraire Juraj Marusiak, parce que Fico sera le garant de sa réélection et de sa la poursuite de sa carrière politique. Donc il ne va jamais faire quoi que ce soit contre lui. » Des passions qui détonnent Peter Pellegrini est un amoureux des voitures. La passion lui a été transmise par son père, mécanicien. Il aime tout ce qui a un moteur et a un brevet de pilote. C'est aussi un célibataire qui va s'installer dans le palais présidentiel. Un magazine l'a même élu homme le plus sexy du pays. Peter Pellegrini prendra ses fonctions le 15 juin prochain. La Slovaquie, une « nouvelle Hongrie » ? Certains observateurs craignent que la Slovaquie devienne une nouvelle Hongrie. Une vision « exagérée » pour Milan Nic : « Je pense que Robert Fico n'est pas comme Viktor Orban. Il continuera une politique populiste, mais j'espère, et je le crois, que le système démocratique slovaque, et la société civile, dont les médias, sont suffisamment forts. »Le chercheur slovaque appelle le reste de l'Europe à garder un œil sur son pays. Car en face, la Russie bien sûr, mais aussi la Hongrie ne rateront aucune occasion d'attirer la Slovaquie dans leur sphère d'influence.

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Anniversaire en prison pour le militant des droits de l’homme russe Oleg Orlov

4/5/2024
Oleg Orlov, figure historique de la défense des droits de l’homme, vient de passer son 71ème anniversaire en détention. Militant infatigable, co-président de Mémorial, l’ONG co-lauréate du prix Nobel de la Paix 2022, il a été condamné, en février 2024, à deux ans et demi de prison pour « discrédit de l’armée » à travers ses dénonciations de la guerre en Ukraine. Ses proches s’inquiètent de son état de santé. Dans sa cage en verre de la salle d'audience du tribunal moscovite où il était jugé, Oleg Orlov était plongé dans un gros livre gris. En signe de protestation contre un procès dont l'issue était déterminée à l'avance, il lisait démonstrativement « Le Procès » de Frantz Kafka, refusant de prendre une part active aux débats, comme le faisaient les dissidents soviétiques. Seule concession, il a prononcé un « dernier mot », transformant l'audience en tribune : « Nous nous souvenons de l'appel d'Alexeï (Navalny) : ''N'abandonnez pas''. Je voudrais ajouter : ne perdez pas courage, ne perdez pas votre optimisme. Après tout, la vérité est de notre côté. Ceux qui ont conduit notre pays dans le gouffre où il se trouve aujourd'hui représentent le vieux, le décrépit, le dépassé. Ils n'ont aucune image de l'avenir, mais uniquement de fausses images du passé, des mirages de la ''grandeur impériale''. » « La vérité est de notre côté » Oleg Orlov était accusé d'avoir signé une tribune contre les autorités russes parue sur le site de Mediapart, qu'il a ensuite traduite en russe et publiée sur Facebook. Il y accusait les troupes russes de tuer en masse les civils ukrainiens et déplorait la « victoire » en Russie des « forces les plus sombres », celles qui « rêvaient d'une revanche totale », après la chute de l'Union soviétique. « Je suis jugé pour un article de presse dans lequel j'ai qualifié le régime politique établi en Russie de totalitaire et de fasciste », a expliqué le militant à son procès. « Cet article a été écrit il y a plus d'un an. À l'époque, certaines de mes connaissances pensaient que j'exagérais. Mais aujourd'hui, il est évident que je n'exagérais pas. Dans notre pays, l'État contrôle à nouveau non seulement la vie sociale, politique et économique, mais il revendique également un contrôle total sur la culture, la pensée scientifique et envahit la vie privée. Il devient omniprésent ». Depuis la dissolution par la justice de Memorial, en décembre 2021, puis le début de l'invasion russe en Ukraine deux mois plus tard, beaucoup de membres de l'ONG ont été poussés à l'exil. Mais Oleg Orlov a fait le choix de rester. « Il ne voulait pas fuir, il voulait rester dans son pays, mais il n'a jamais condamné ceux qui ont fait le choix inverse. Il m'a même conseillé de le faire », raconte Natalia Morozova, juriste de Memorial, aujourd'hui réfugiée en France. « Il y a quelque part en lui cette idée selon laquelle il est plus facile pour un homme honnête d'être en prison que de porter, en liberté, la responsabilité de ce que fait son pays. Je pense qu'ils voulaient qu'il émigre pour éviter ce procès et ces discours flamboyants à son procès, qui resteront dans les annales judiciaires », affirme Svetlana Gannouchkina, une autre figure majeure de la défense des droits humains en Russie, placée, comme lui, sur la liste des « agents de l'étranger », et qui a aussi fait le choix de poursuivre son travail à Moscou auprès des migrants. Lors de son « dernier mot » au tribunal, Oleg Orlov s'est aussi adressé à ses juges : « N'avez-vous pas peur de voir ce que devient notre pays, que vous aimez, vous aussi, probablement ? N'avez-vous pas peur que non seulement vous et vos enfants, mais aussi, que Dieu nous en préserve, vos petits-enfants, aient à vivre dans cette absurdité, cette dystopie ? » « Il avait conscience des risques qu'il prenait, il avait la possibilité de partir, mais il a décidé de rester. En ce sens, je lui tire mon chapeau, c'est un héros », souligne pour sa part un vétéran de la défense des droits de l'homme, Lev Ponomarev,...

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Péter Magyar, le membre du Fidesz qui défie le Premier ministre hongrois

3/23/2024
En Hongrie, le système Orban remis en cause par l’un des siens. Péter Magyar, ancien cadre du Fidesz, vient de fonder un nouveau mouvement politique, « Debout Hongrois », qu’il souhaite transformer en parti centriste. À 43 ans, à peine sorti sur la scène publique, avec ses révélations sur les coulisses du pouvoir et sa dénonciation de la corruption, il a rapidement séduit une partie de l’électorat. En quelques semaines, Péter Magyar s’est hissé sur le devant de la scène politique hongroise et ne ménage pas ses critiques envers la classe dirigeante : « Il y a une crise morale, politique et économique en Hongrie. La majorité des Hongrois ont perdu confiance dans l'ensemble de l'élite politique qui dirige le pays depuis 30 ans », a-t-il lancé depuis une scène installée en plein cœur de Budapest, devant une foule imposante, le 15 mars dernier. Le quadragénaire à l’allure sportive, tiré à quatre épingles, a choisi le jour de la fête nationale où les Hongrois commémoraient la rébellion de 1848 contre l’empire des Habsbourg, pour lancer son mouvement. Avocat, haut fonctionnaire, diplomate, membre du parti de Viktor Orban, le jeune technocrate n’a jamais occupé de fonction politique. « Il est en quelque sorte un outsider de la politique tout en étant également un homme du sérail », note Matyas Kohán, commentateur de la vie politique hongroise. « Il a été diplomate. Il a représenté la Hongrie auprès de l'UE à Bruxelles, puis il a occupé des postes opérationnels et a travaillé dans diverses entreprises d'État, sans jamais avoir joué de rôle politique direct. Au fond, il surfe sur les vagues de désillusion et de mécontentement qui touchent à la fois l'opposition et le camp gouvernemental », explique ce chroniqueur au Mandiner, un site d’informations conservateur qui assume sa proximité avec le gouvernement Orban. À lire aussiHongrie: issu du Fidesz au pouvoir, Péter Magyar défie Viktor Orban « Les vrais responsables se cachent derrière les jupes des femmes » Le public a commencé à entendre parler de Péter Magyar en février, dans la foulée d’un scandale impliquant son ex-épouse, l’ancienne ministre de la Justice Judith Varga. Cette dernière, qui devait mener la campagne des élections européennes du Fidesz, a annoncé son retrait de la vie publique, après la démission de la présidente Katalin Novak, accusée d’avoir discrètement accordé une grâce à un ancien directeur adjoint d'un foyer pour enfants, condamné à plus de trois ans de prison pour avoir couvert les agissements de son supérieur. Péter Magyar s’insurge alors contre ce qu’il présente comme un lâchage brutal des deux femmes les plus influentes du pays. En signe de protestation, il démissionne de deux entreprises publiques où il occupait des postes de direction et du conseil de surveillance de la banque MBH, une des institutions financières les plus importantes du pays. Il affirme ne plus vouloir faire partie d’un système dans lequel « les vrais responsables se cachent derrière les jupes des femmes ». Le lendemain, il va plus loin dans la critique du système Orban, sur la chaîne YouTube Partizan, un des rares médias indépendants. Face à l’intervieweur, d’un ton posé, Péter Magyar détaille pendant plus d’une heure et demie la corruption dans les milieux politiques et économiques hongrois. Il raconte les pots-de-vin lors des appels d’offres ou les pressions qu’il a subies lors de son divorce. Il s’en prend particulièrement au très influent membre du cabinet de Viktor Orban Antal Rogán, baptisé par ses détracteurs « ministre de la Propagande », qui contrôle aussi la totalité des services de renseignement du pays. « En 48 heures, cette interview a été regardée plus de deux millions de fois. C'est presque la moitié du nombre total des électeurs hongrois », souligne Botond Feledy, collaborateur de ce média et chercheur au Centre for Euro-Atlantic Integration and Democracy à Budapest. Il lève alors le voile sur le système en donnant une « image très dure ». 13% d’intentions de...

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André Ventura, nouveau champion de l’extrême-droite européenne

3/17/2024
Il a créé la surprise au Portugal en raflant 18% des voix et une cinquantaine de sièges de députés lors des élections législatives anticipées du 10 mars. André Ventura, fondateur du parti Chega, est devenu l’un de nouveau champions de l’extrême-droite européenne aux côtés de Marine le Pen en France, de Georgia Meloni en Italie ou de Viktor Orban en Hongrie. Les sondages prédisaient certes une percée de l’extrême droite portugaise, mais le résultat est tout de même spectaculaire pour un parti qui ne comptait qu’un seul député en 2019. Une percée qui est sans doute l’œuvre d’un seul homme : André Ventura, 41 ans, un juriste de formation dont le parcours, pour le moins étonnant, pourrait d’une certaine façon rappeler celui de Donald Trump… Car, comme l’ancien président américain, c’est grâce à la télévision qu’il s’est fait connaître du grand public. « Il a fait des études de droit et il a même fait une thèse qui est aux antipodes des idées qu’il défend maintenant », détaille Victor Pereira, historien et chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne. « Il a ensuite commencé une carrière de commentateur à la télévision dans des émissions qui traitent de crimes puis il s’est fait un nom dans une émission qui commente non pas tant les matchs de football que les résultats et les différentes affaires qui entourent le milieu sportif. »Les débuts en politique d’André Ventura sont difficiles : en 2017, il se présente aux élections municipales dans la banlieue de Lisbonne sous l’étiquette PSD (centre droit), mais il est battu. « Il marque cependant les esprits avec des petites phrases sur la communauté tsigane », explique Victor Pereira, « et il se fait connaître comme cela, avec des propos xénophobes. » À lire aussiLégislatives au Portugal: avec André Ventura, l’extrême droite revient sur le devant de la scène politique Un succès auprès des jeunes Des phrases percutantes, polémiques, un bagout médiatique et un talent certain pour utiliser les réseaux sociaux : André Ventura cartonne auprès des jeunes, avec des thèmes qui le placent très vite dans le camp des populistes d’extrême droite. « Il insiste sur la défense des valeurs chrétiennes, sur la lutte contre la corruption, contre le “wokisme”, ce type de panique morale qu’il essaye de susciter », note Victor Pereira. « À l’étranger, notamment dans les grands rassemblements d’extrême droite, il s’aligne sur les idées de “grand remplacement”, sur les idées d’invasion et donc il s’aligne sur l’extrême droite populiste. Sur la politique économique, il est sûr des solutions plutôt libérales et il ne se pose pas en défenseur des travailleurs et de l’État-providence, à la différence du Rassemblement national en France. Il est encore sur un modèle assez libéral, mais son programme est souvent assez confus et répond surtout assez démagogiquement aux différentes inquiétudes des Portugais. » À lire aussiLégislatives au Portugal: la percée de l’extrême droite « est un vote de protestation contre les élites » La fin de « l’exception portugaise » En 2019, il quitte le PSD et fonde Chega (« Ça suffit ! », en portugais). Il n’obtient qu’un siège aux élections législatives (qu’il occupe lui-même), mais va profiter pleinement des scandales de corruption qui vont toucher le gouvernement socialiste. Surtout, il parvient à mettre fin à ce que l’on a appelé « l’exception portugaise », à savoir la faiblesse de l’extrême droite dans un pays très marqué par la Révolution des œillets (dont on fêtera le cinquantenaire le 25 avril prochain), et où la figure de Salazar a longtemps joué un rôle de repoussoir. Mais, au début des années 2020, deux choses vont faciliter l’ascension fulgurante de Chega : d’une part, le renouvellement des générations et la mémoire déclinante de la dictature ; d’autre part, la vague populiste qui submerge les démocraties occidentales. « Il s’est engouffré dans une brèche européenne et mondiale », décrypte Yves Léonard, enseignant à...

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Nicolas Schmit, porte-drapeau des socialistes européens

3/9/2024
À trois mois des élections européennes, les grandes formations politiques se mettent en ordre de bataille, avec la désignation d’Ursula von der Leyen comme tête de liste du Parti populaire européen et celle du Luxembourgeois Nicolas Schmit, qui a été choisi par le Parti socialiste européen. Un négociateur chevronné, spécialiste des questions sociales... mais souffrant d'une faible notoriété en dehors des cercles européens. Âgé de 70 ans, l’actuel Commissaire européen à l’Emploi est méconnu du grand public, mais il dispose d’une solide expérience au sein des institutions européennes et des qualités de négociateur qui lui seront utiles, après le scrutin, pour la répartition des « top jobs » européens. Un CV respectable, mais une carrière plutôt effacée et un manque de notoriété qui pourrait nuire aux socialistes, surtout en face d’Ursula von der Leyen, l'actuelle présidente de la Commission. L’Eurodéputée socialiste, Sylvie Guillaume estime cependant que Nicolas Schmit a toutes les qualités requises pour mener cette bataille. « Je connais son attachement, sa créativité. Il a été très présent, par exemple quand nous étions en période de Covid-19 et qu'il fallait soutenir les États et soutenir les personnes dans leur emploi. Et donc j'ai trouvé que sa réaction et sa capacité à convaincre étaient assez impressionnantes. » Pour Nicolas Schmit, les questions sociales devront être au cœur de la campagne – notamment celle du logement des plus précaires. Mais le chef de file du camp socialiste place également l’environnement au centre de son discours – ce qu’il a fait le 2 mars dernier à Rome au moment de sa désignation en présence d’Olaf Scholz, de Pedro Sanchez et de Mette Frederiksen, les dirigeants allemands, espagnols et danois. « Contrairement aux conservateurs, qui ont les yeux rivés sur les sondages, les feux de forêts et les inondations n’attendent pas les études d’opinion », a-t-il ainsi déclaré, accusant le PPE d’Ursula von der Leyen de vouloir renoncer au Pacte vert sous la double pression de l’opinion et de l’extrême droite. Pas de compromis avec l’extrême-droite Car le camp socialiste a également décidé de brandir la menace de l’extrême droite pour rallier ses électeurs, en reprochant aux partis de droite traditionnelle de vouloir pactiser avec les groupes nationalistes et eurosceptiques du Parlement. « Il n’y a pas d’ambigüité pour nous et il n’y aura pas de coopération, que ce soit avec le groupe Identité et Démocratie ou avec le groupe ECR des Conservateurs et réformistes… Ni aujourd’hui, ni jamais ! » s’est ainsi emporté Nicolas Schmit sous les applaudissements du Congrès de Rome. Pour autant, la faisabilité d’un retournement d’alliance au sein du prochain Parlement européen et d’un rapprochement entre le PPE et le groupe ECR de Georgia Meloni, dénoncée à l’avance par les socialistes, semble faible aux yeux de Pascale Joanin, directrice de la Fondation Robert Schumann. « Cela peut marcher dans certains pays comme l'Italie, où, en effet, on voit que Georgia Meloni essaye de se dédiaboliser et de paraître plus européenne qu'elle ne le prétendait auparavant. Mais ce rapprochement ne peut marcher en Pologne, car le PiS et en guerre déclarée avec Donald Tusk, le nouveau Premier ministre polonais qui appartient au PPE. Or, le PiS est l’autre grande composante du groupe ECR avec les Fratelli d’Italia de Meloni. Et dans ce contexte, un accord ne marcherait pas du tout, en tout cas pas durant la prochaine législature. » Répartition des postes européens D’après les sondages, les Socialistes européens devraient conserver à peu près le nombre d’eurodéputés qu’ils ont actuellement (141 élus) soit environ 20% des voix. Une deuxième place derrière les conservateurs du PPE – ce qui devrait a priori écarter Nicolas Schmit de la présidence de la Commission européenne, puisque celle-ci échoit à la formation arrivée en tête à l’issue du scrutin. « Pour être élu, le président de la Commission doit bénéficier d'un large accord du...

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Czeslaw Siekierski, le ministre polonais de l’Agriculture face à la colère paysanne

3/2/2024
Les agriculteurs polonais ont de nouveau manifesté massivement cette semaine dans les rues de Varsovie et maintiennent la pression à la fois sur leur gouvernement et sur la Commission européenne. Face à la crise, le ministre de l’Agriculture polonais Czeslaw Siekerski est en première ligne : il menace Kiev d’étendre l’embargo à tous les produits agricoles ukrainiens… et il implore Bruxelles d’aider les agriculteurs de son pays. C’est sans doute la plus grave crise traversée par Donald Tusk depuis sa nomination en décembre dernier. Et, pour l’affronter, le nouveau Premier ministre polonais compte sur l’homme qu’il a nommé au ministère de l’Agriculture. Czeslaw Siekerski, 71 ans, est un homme d’expérience – aussi à l’aise dans les couloirs des administrations européennes qu’auprès des agriculteurs. « Il travaille dans le domaine de la recherche agricole depuis les années 70 », note Vitaliy Krupin, économiste à l’Institut du développement rural de l’Académie polonaise des sciences, « et il a fait sa thèse à l’Université des Sciences de la Vie à Varsovie, il est donc très calé sur les questions d’économie agricole. Ensuite, il est entré en politique et quand la Pologne est devenue membre de l’Union européenne, il a été plusieurs fois élu au Parlement européen. » Un cursus utile pour négocier avec Bruxelles, mais aussi pour dialoguer sur les barrages routiers formés par les agriculteurs en colère. Car, depuis le mois de janvier, la crise agricole n’a cessé d’empirer, les exploitants polonais multipliant les points de blocage sur les routes et surtout à la frontière ukrainienne. « Il semble que tout le monde ait été surpris par la situation », analyse Vitaliy Krupin, « et personne ne s’attendait à ce que ces manifestations prennent une telle ampleur, à ce que la mobilisation soit aussi large et active. Dans un premier temps, je pense que le gouvernement n’a pas su comment réagir. À présent, il semble qu’il ait décidé de se mettre aux côtés des agriculteurs. Et quand Czeslaw Sikierski s’est rendu à Bruxelles cette semaine, il s’est fait l’écho de leurs revendications, et il a dit que son gouvernement les soutenait. » Des solutions techniques Dans la ligne de mire du ministre polonais, il y a le Pacte Vert européen, que les agriculteurs polonais vouent aux gémonies – à l’image de leurs homologues d’autres pays européens. Mais il y a surtout l’afflux des produits agricoles ukrainiens, qui transitent par la Pologne depuis le début de la guerre contre la Russie, faute de pouvoir passer par la mer Noire comme auparavant. Des produits qui arrivent sans droits de douane - décision prise par l'Union européenne pour soutenir l'économie ukrainienne, et qui sont accusés de déstabiliser le marché agricole polonais. Pour y remédier, le nouveau gouvernement formé par Donald Tusk demande deux choses : une aide financière de Bruxelles pour compenser les pertes des agriculteurs polonais, et des solutions techniques pour s’assurer que les produits ukrainiens ne fassent que transiter par la Pologne. « Le chef de gouvernement polonais veut des résultats et des décisions concrètes », pointe Krzysztof Soloch, professeur à la Sorbonne et spécialiste de l’Europe de l’Est. « Comment sécuriser ces transferts de produits alimentaires ukrainiens à travers le territoire polonais ? Il y avait plusieurs solutions : des camions qui devaient être plombés et qui devaient être sécurisés à travers des balises GPS…. Il y avait également aussi la question des quotas qui devaient être mis en place. » La Pologne espère aboutir rapidement à un accord avec l’Ukraine sur ces questions. Ce sera tout l’enjeu de la rencontre qui doit avoir lieu à la fin du mois entre Donald Tusk et Volodymyr Zelensky. Le temps presse car, si le gouvernement polonais assure que le soutien diplomatique et militaire à l’Ukraine n’est pas impacté par cette crise agricole, au sein de la population polonaise en revanche une certaine lassitude est en train de naître. « Au début de la guerre, il y...

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Ioulia Navalnaya: l'héritière naturelle d'Alexeï Navalny

2/24/2024
Elle veut reprendre le combat mené par son mari. Ioulia Navalnaya, la veuve d'Alexeï Navalny, est passée au premier plan après la mort du célèbre opposant à Vladimir Poutine. Longtemps restée discrète derrière son époux, elle a repris le flambeau sans hésiter. Deux jours à peine après l’annonce de la mort d’Alexeï Navalny, elle apparaît dans une vidéo sur YouTube. Ses traits sont tirés mais la voix ferme. Le message est clair, la volonté aussi : « En tuant Alexeï, Poutine a tué la moitié de moi-même, la moitié de mon cœur et la moitié de mon âme. Mais il me reste l'autre moitié, et elle me dit que je n'ai pas le droit d'abandonner. Je continuerai la cause d'Alexeï Navalny, je continuerai à me battre pour notre pays. » Une déclaration forte. Jusqu’à présent, elle refusait de s’engager politiquement dans les pas de son mari. Mais son envie de reprendre le combat n’a pas étonné Andreï Kozovoï, professeur d’histoire russe et soviétique à l’université de Lille. « Je n'ai pas été vraiment surpris parce qu’on en a entendu parler au moment de la campagne électorale qui n'a pas eu lieu de Navalny en 2018 », note l'auteur du livre Égéries rouges, 12 femmes qui ont fait la révolution russe, aux éditions Perrin. « Elle a participé à un certain nombre de meetings. Et puis bien sûr, on a entendu parler après l'empoisonnement de Navalny en août 2020. Donc c'est quelqu'un qui est déjà connu et c'est quelqu'un qui est connu aussi pour son caractère, même si encore une fois, elle est restée dans l'ombre de Navalny. » Une succession logique aussi pour Olga Prokopieva. « Ce qui est assez surprenant, c'est qu'elle le fasse aussi rapidement parce qu’elle doit être complètement bouleversée par la mort de son mari, par la perte d'un être cher », constate, admirative, la présidente de l'association Russie Libertés qui a organisé une manifestation de soutien à Paris. Elle est admirative de la détermination de la veuve d’Alexeï Navalvny. « Mais ça montre encore plus à quel point elle est décidée à mener le combat d'Alexeï Navalny, à quel point elle est forte. Et c'est encore plus encourageant. » Une opposante plus « rassembleuse » que son mari ? La force de Ioulia Navalnaya est peut-être de s’adresser à plus de monde que son mari. « Elle semble se montrer assez fédératrice, et ça, c'est important », espère Olga Prokopieva. « Parce que le mouvement d'Alexeï Navalny se trouvait toujours un peu à part. Et ça leur était souvent reproché. Donc j'espère que Ioulia Navalnaya saura être plus proche des mouvements de la société civile et pourra mieux coordonner les actions ensemble. » Une vie en exil pour la nouvelle cible numéro 1 du Kremlin On sait peu de choses sur sa vie privée. Cette économiste de formation âgée de 47 ans s’occupait jusqu’à présent de ses deux enfants. Ioulia Navalnaya vit en exil quelque part en Europe dans un endroit tenu secret. Pour une bonne raison. L’ennemi public numéro 1 du Kremlin désormais, c’est elle. « Elle a certainement de quoi inquiéter le Kremlin puisqu'on l'a vu effectivement par le fait qu'il y a déjà eu un certain nombre de rumeurs qui se sont diffusées, des opérations de décrédibilisation qui ont été lancées dans les médias », confirme le professeur Andreï Kozovoï. « Elle inquiète évidemment parce qu'elle a cette aura, ce pouvoir de peut-être effectivement rassembler, fédérer les différents courants qui, on le sait en Russie, se sont désunis. C'est au cours des semaines qui vont venir qu'on va voir si effectivement l'annonce de la mort de Navalny, l'émotion suscitée en Russie à l'étranger, va permettre de donner de vrais résultats sur le long terme. » Quel soutien en Russie ? Sera-t-elle entendue en Russie alors qu’elle vit en exil ? Les vidéos publiées par l’équipe Navalny sont suivies dans le pays et ça devrait continuer. Le handicap principal de Ioulia Navalnanya serait peut-être d’être une femme. « Il faut que le public russe soit prêt à ce qu'une femme représente l'opposition », remarque l’opposante Olga...

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Szymon Holownia, le très populaire «Maréchal de la Diète» polonaise

2/17/2024
Il détonne par son parcours et par son sens de l’humour et il suscite un engouement sans précédent en Pologne. Et pourtant, Szymon Holownia n’occupe pas le poste le plus attractif que l’on puisse imaginer puisqu’il a été nommé président de la Diète, la Chambre basse du Parlement polonais. Mais c’est bien dans ce rôle que cet ancien animateur de télévision est en train de devenir l’un des hommes politiques les plus en vue de Pologne, probable candidat à la prochaine présidentielle. C’est un peu la grande surprise de cette alternance démocratique en Pologne, car peu de monde aurait parié sur un tel engouement, ni sur un tel phénomène. Âgé de 47 ans, Szymon Holownia était certes connu dans son pays avant de devenir le président de la Diète, mais il a su faire de ce poste un tremplin extraordinaire, avec déjà ce résultat qu’envieraient bien des parlementaires d’autres pays : la diffusion des sessions parlementaires est suivie désormais par tout le pays. « D'abord, les télévisions ne se privent pas de faire des retransmissions des débats à la Diète alors qu’auparavant, c'était extrêmement ennuyeux », décrypte George Mink, directeur de recherche émérite au CNRS et professeur au Collège de l’Europe à Varsovie. « Là, au contraire, c'est devenu une sorte de série télévisuelle que tout le monde regarde en se demandant ce qui arrivera encore d'intéressant. De plus, les jeunes sont très attirés par cette façon de conduire les débats. Je pense qu'ils apprécient la transparence, le sens de l'humour de Szymon Holownia, et sa manière de retoquer les tentatives autoritaires des anciens gouvernants aujourd'hui dans l'opposition… Tout cela donne une sorte de jeu théâtral extrêmement attrayant. » Un parcours atypique Une personnalité charismatique et aussi une volonté de dépoussiérer l’institution parlementaire : la première action de Szimon Holownia, lorsqu’il a été nommé en novembre dernier, a été de faire enlever les barrières de sécurité qui entouraient le bâtiment de la Diète à Varsovie. Avec ses yeux pétillants et sa coupe de cheveux en brosse, le nouveau « Maréchal de la Diète » a parfois des airs de boy-scout. Mais son parcours n’a rien de classique, bien au contraire : il voulait dans sa jeunesse devenir prêtre, a finalement été journaliste, puis animateur de télévision, notamment pour télécrochet archiconnu, l’équivalent polonais de « la France a du talent ». Les téléspectateurs polonais sont loin d’imaginer à l’époque que l’animateur de ce show télévisé finira par devenir l’un des dirigeants politiques les plus en vue du pays. Le déclic se fait à la fin des années 2010, lorsque Szymon Holownia décide de se lancer en politique. « Je crois qu'il a été effaré par la montée de l'autoritarisme du PiS, le parti Droit et Justice, qui a bafoué au pouvoir toutes les règles du fonctionnement démocratique en Pologne », explique George Mink. « Il a été candidat à l’élection présidentielle de 2020 où il a fini à la troisième place et il a créé son propre mouvement, baptisé Pologne 2050. » À lire aussiPologne : le PiS fait de la résistance Le « Zelensky polonais » ? Son parti de centre-droit est marqué par son ancrage catholique, mais il est ouvert sur l’Europe et sur certaines questions de société. Une synthèse qui lui a permis de prendre des électeurs au PiS, et qui a aidé la coalition emmenée par Donald Tusk, l’ancien Premier ministre libéral, à revenir au pouvoir à la faveur des élections législatives d’octobre 2023. Mais pourquoi avoir choisi le poste de « Maréchal de la Diète » ? En raison sans doute de l’importance de la fonction, bien plus cruciale que dans d’autres régimes parlementaires. Le président de la Chambre basse polonaise est maître de l’ordre du jour, dispose de moyens importants pour autoriser ou bloquer des nominations, et pour instaurer l’ordre au sein de l’Assemblée. Il dispose même d’une force de sécurité, la Garde du Maréchal… Un rôle pivot pour une coalition dont l’objectif est d’engager ni plus ni moins qu’une...

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Terry Reintke et Bas Eickout, têtes de liste des Verts aux élections européennes

2/10/2024
Les écologistes européens ont choisi leurs têtes de liste pour les élections de juin. Réunis en congrès à Lyon du 2 au 4 février, les membres des Verts ont désigné un homme et une femme, par souci de parité : l'eurodéputée allemande Terry Reintke et l’élu néerlandais Bas Eickhout. Leur dynamisme et leur enthousiasme ne seront sans doute pas de trop pour mener une campagne qui s’annonce délicate. « Je sais que l'on a parfois l'impression que la campagne sera difficile, mais on voit et on sent qu’on est une famille très forte, unie et prête à faire campagne », a lancé Bas Eickhout en conférence de presse à l’issue du congrès des Verts. De fait, les sondages prédisent un recul substantiel des Verts par rapport au précédent scrutin : de quatrième force au Parlement, ils pourraient être rétrogradés à la sixième, derrière les formations d’extrême droite ID et ECR. Issu de la gauche écologiste, Bas Eickhout a été chercheur à l’Agence néerlandaise pour l’amélioration de l’Environnement avant d’être élu député européen en 2009. Deux ans plus tôt, il avait partagé le prix Nobel de la paix avec les autres co-auteurs du rapport du Giec sur le changement climatique. Aujourd’hui vice-président de la Commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire, à 47 ans, le Néerlandais est tête de liste pour la deuxième fois d’affilée ; en 2019, il avait mené la campagne européenne des Verts avec l’Allemande Ska Keller. Élu expérimenté, il connaît bien les arcanes du Parlement. « Un bon choix », estime Camille Defard, chef du centre Énergie-environnement de l’Institut Jacques Delors. « C’est quelqu’un qui est très technique, qui connaît très bien les dossiers et qui a une belle aura politique au sein de l’écosystème ». Extrême droite en hausse De onze ans sa cadette, Terry Reintke est en lice pour un troisième mandat. Lors de sa première élection en 2014, cette native de Gelsenkirchen dans la Ruhr, née un 9 mai, journée de l’Europe, était alors la plus jeune eurodéputée de l’hémicycle. Elle est aujourd’hui la vice-présidente du groupe des Verts/Alliance libre européenne. Lors du congrès de Lyon, dans un anglais tout aussi bon que son collègue néerlandais, l’élue allemande a insisté sur la menace que constitue, selon elle, la montée de l’extrême droite dans les sondages. « Cette menace existe, nous ne pouvons pas le nier », a-t-elle lancé, avant d’appeler les militants et les élus à ne pas rester les bras croisés en s’inspirant d’exemple comme la Pologne, où après huit années de gouvernement populiste PiS, le gouvernement est désormais dirigé par le pro-européen Donald Tusk. Avec la lutte contre d’extrême droite, Terry Reintke, qui appartient à l'aile gauche de son parti, mène aussi d’autres combats, tels que lutte contre les violences faites aux femmes au moment du mouvement #MeToo de 2017 et les droits de LGBT+. Au congrès de Lyon, la maîtresse de cérémonie n’est autre que sa compagne, la sénatrice française Mélanie Vogel, qu’elle a rencontrée lorsque cette dernière faisait un stage au Parlement européen. Plus connue à Bruxelles qu’à Berlin, cette représentante des Grünen, les Verts allemands, eux-mêmes engagés dans une coalition sociale-démocrate affaiblie, a fort à faire. Sa désignation est « un pari sur sa capacité à mobiliser les électeurs allemands », estime Camile Defard, qui souligne le « poids disproportionné des libéraux par rapport à leur poids électoral dans l’inflexion de ce gouvernement de coalition. Ça ne profite absolument pas aux Verts parce qu’ils sont associés à un gouvernement qui n’arrive pas à faire passer les réformes qu’ils souhaitent ». À lire aussiFestival de Clermont 2024: Fatima Kaci, «être la voix des autres, c’est aussi une souffrance» L’écologie « en défense plutôt qu’en attaque » Les mouvements des agriculteurs placent aujourd’hui les Verts en premières lignes des critiques. Terry Reintke a dû récemment se défendre des accusations selon lesquelles les élus écologistes, avec leur politique...

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Présidentielle en Finlande: deux candidats et une même ligne face à la Russie

2/3/2024
Nous sommes à sept jours du second tour de la présidentielle en Finlande qui opposera un conservateur à un écologiste : Alexander Stubb face à Pekka Haavisto. Alexander Stubb est arrivé en tête au premier tour. Le candidat de l’actuel coalition de droite au pouvoir a 55 ans et une longue expérience politique derrière lui : député européen, ministre des Affaires étrangères, ministre des Finances et Premier ministre de 2014 à 2015. Depuis 2017, Alexander Stubb travaille à la direction de la Banque européenne d'investissement. Père de deux enfants, il parle pas moins de cinq langues. Interrogé par des étudiantes de l’université des sciences appliquées de Häme, il explique comment, selon lui, on peut rendre le monde meilleur : « Il y a bien sûr les petites choses, comme aider quelqu’un en difficulté. Je crois beaucoup dans la philosophie d’Adam Grant : donner et recevoir. Donner apporte un sens à la vie et la rend meilleure alors que prendre ne le fait pas nécessairement. » Deux candidats expérimentés Pekka Haavisto a été ministre de l’Environnement, puis des Affaires étrangères du précédent gouvernement socialiste. Homosexuel, âgé de 65 ans, c’est la troisième fois qu’il tente sa chance à la présidentielle. Les étudiantes de Häme lui ont aussi demandé comment rendre le monde meilleur : « J’ai déjà beaucoup fait de médiation pour la paix et j’ai été engagé dans plusieurs initiatives de paix. Je pense que sans paix, il n’y a pas de développement. C’est pour ça que la paix est ma première priorité. La deuxième, c’est bien sûr la protection de l’environnement. » La campagne a été très suivie par les Finlandais. La guerre en Ukraine et les menaces du voisin russe ont évidemment pesé, car le futur président finlandais aura un rôle important à jouer dans cette crise. Même si rien ne différencie vraiment les candidats, leur ligne est la même : la fermeté face à la Russie, comme l’explique Hanna Ojanen, directrice de recherche en politique à l'université de Tampere, dans l’ouest de la Finlande : « Je n’ai pas vu de grandes différences... Tous les candidats à la présidentielle avaient la même position : continuer à soutenir l’Ukraine et le besoin de se préparer à toutes les formes de menaces hybrides venues de Russie. » Les « menaces hybrides », c’est par exemple le passage de migrants illégaux orchestré par le Kremlin, selon Helsinki. La frontière entre les deux pays est toujours fermée. Quelles différences ? Alexander Stubb est plus atlantiste que son adversaire... Quand Pekka Haavisto, lui, se montre plus intéressé par les pays en développement. C’est surtout sur le plan personnel que les deux hommes s’éloignent. « Alexander Stubb donne une vision assez claire dans sa vie familiale, c’est quelqu’un qui représente bien la droite libérale avec aussi son aspect conservateur, observe Louis Clerc, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Turku en Finlande. Alors que Pekka Haavisto a un profil personnel plus exceptionnel dans la politique finlandaise. Il vit en couple avec un homme. Ce n'est pas quelque chose qu’il a mis en avant dans sa campagne, au contraire, ses aspects personnels ont été très peu utilisés dans sa campagne. » Les électeurs d’extrême droite seraient plus enclins à voter pour le candidat conservateur. Alexander Stubb leur a fait quelques clins d’œil, comme l’a noté le chercheur Louis Clerc. « Alexander Stubb en général est assez libéral, mais il a aussi donné des signaux à ces électeurs d’extrême-droite en disant par exemple qu’il faudrait travailler sur une interdiction de la double nationalité pour les citoyens russes. Une grande partie d’entre eux va voter pour lui parce que c’est le candidat de droite qui peut se donner un air plus conservateur que son adversaire. » Les derniers sondages donnent une avance confortable à Alexander Stubb sur Pekka Haavisto, mais il reste encore un débat télévisé et des meetings cette semaine pour mobiliser les électeurs. À lire aussiFinlande: Alexander Stubb et...

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Autriche: Martin Sellner, un représentant de la droite identitaire très propre sur lui

1/27/2024
Les Allemands se mobilisent contre l’extrême droite, après la révélation de la tenue d’une réunion d’extrémistes à Potsdam, à laquelle ont participé des membres de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Parmi les hôtes : l’Autrichien Martin Sellner venu présenter son « concept de remigration », un projet d'expulsion massive de personnes étrangères. Cofondateur du Mouvement identitaire autrichien, il est devenu une figure influente des droites radicales germanophones. Martin Sellner a les airs de hipster : coupe de cheveux stylisée, mèche tombant à droite, souvent souriant et toujours impeccable, qu’il soit rasé de près ou arborant une barbe de trois jours. Fils d’un médecin homéopathe et d’une professeur d’anglais, qui a grandi dans la banlieue de Vienne, le jeune homme de 35 ans est titulaire d’une licence de philosophie et n’a pas achevé ses études de droit, selon le Spiegel. « Il représente cette nouvelle génération de militants d'extrême droite qui présente bien. On est très loin de l'image classique du militant d'extrême droite, au crâne rasé, arborant des tatouages, un bomber en cuir et la croix gammée, tatouée sur le bras », note Gilles Ivaldi, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF, spécialistes des partis de droite radicale. Martin Sellner donne l'image d’un jeune Européen, polyglotte, très classique. Il est marié à Brittanny Pettibone, une blogueuse californienne, égérie de la droite alternative américaine, qui compte 175 000 abonnés sur sa chaîne YouTube. Avec sa jeune épouse, toujours bien maquillée et parfaitement coiffée, il est le visage plutôt avenant du mouvement identitaire. Dans sa façon d’être, « il participe de la stratégie de l’extrême droite qui avance de plus en plus masquée, qui tente de cacher au maximum tous les marqueurs et les symboles de l’extrême droite traditionnelle », estime Gilles Ivaldi. Génération identitaire En 2016, dans un entretien à CNN, en très bon anglais, Martin Sellner se présentait en 2016 comme « patriote et pas néo-nazi ». « En tant que militant patriotique, auteur et journaliste, je défends la vérité et la résistance, la théorie et l'action », annonce-t-il sur son site internet. Il a pourtant frayé avec ce mouvement dès son plus jeune âge, rappelle Jérôme Segal essayiste et historien franco-autrichien : « il est assez rapidement attiré par le milieu néonazi. Il est proche d'un célèbre néonazi autrichien Gottfried Küssel. Déjà à l'âge de 17 ans, il va coller des croix gammées sur une synagogue. Il est condamné à 100 heures de travaux d’intérêt général », énumère le maître de conférences à Sorbonne Université et spécialiste de l’extrême droite à Vienne. S’inspirant de la branche française de Génération identitaire, dissoute en 2021, accusée par le gouvernement de provocations à la haine et à la discrimination, il cofonde la branche autrichienne du mouvement. Invité à l’université d’été des jeunes identitaires français, il confiait dans un entretien filmé y avoir trouvé « une grande inspiration ». Liens avec le tueur de Christchurch Luttant contre l'immigration, l'islamisation et la mondialisation, Martin Sellner s’inquiète du « grand remplacement » causé par les musulmans en Europe. Ce concept, développé en France par l’écrivain et philosophe Renaud Camus, avait été repris par le tueur de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019. Avant d’assassiner 51 personnes dans deux mosquées, Brenton Tarrant avait entretenu une correspondance avec Martin Sellner et lui avait fait un don de 1 500 euros, ce qui lui avait valu d’être inquiété par la justice autrichienne pour « participation à une organisation terroriste ». L’enquête avait été classée sans suite en 2021. Aujourd’hui, le militant extrémiste autrichien est frappé d’interdiction de séjourner au Royaume-Uni et aux États-Unis pour des raisons de sécurité publique. L’Allemagne réfléchit à en faire de même depuis la réunion de Potsdam. Le mouvement identitaire autrichien ne compte aujourd’hui qu’une poignée de membres, « leur...

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Joachim Rukwied, porte-voix d’une agriculture allemande délaissée

1/20/2024
Depuis deux semaines, des mobilisations sans précédent des agriculteurs allemands sont organisées dans tout le pays. Des agriculteurs en colère suite à l’annonce de la suppression de certaines subventions. Des décisions qui pourraient provoquer de nombreuses faillites d’exploitations agricoles, selon Joachim Rukwied, le président de la Fédération allemande des agriculteurs, à la tête d'un mouvement qui fait trembler le gouvernement d’Olaf Scholz, selon de nombreux médias. C’est un mouvement de protestation qui a pris de court les autorités allemandes. Pourtant, le président de la Fédération allemande des agriculteurs adressait depuis des semaines des avertissements au gouvernement d’Olaf Scholz. Et c’est bien lui, Joachim Rukwied, ancien agriculteur, éternel représentant de sa branche, âgé aujourd’hui de soixante-deux ans qui a su mobiliser un secteur délaissé depuis de trop nombreuses années, comme l’explique Nils Schmid, député allemand et membre du SPD, le Parti social-démocrate allemand, l’une des trois formations qui forment la coalition au pouvoir. « C'est un malaise social qui s'est installé et Joachim Rukwied joue un rôle déterminant en mobilisant les agriculteurs pour la première fois depuis des décennies. Parce qu'il est très très expérimenté, en tant que leader syndical, il connaît très bien les dossiers. Il est intégré dans les réseaux politiques en tant que membre de la CDU (l’Union chrétienne-démocrate d'Allemagne), donc de la principale force d'opposition en Allemagne, et il joue un peu sur la corde de la conscience morale des Allemands envers les agriculteurs qui ont passé des temps difficiles parce que, notamment, les exploitations familiales sont de moins en moins nombreuses et sont en difficultés. » À lire aussi«On ne se laisse plus faire»: les agriculteurs allemands vent debout face aux mesures d'économies du gouvernement Un secteur abandonné par la classe politique Si ce mouvement a pris de l’ampleur ces dernières semaines, Nils Schmid ne craint pas pour autant qu’il ne soit instrumentalisé par les extrémistes, contrairement à ce que pensent différents médias. Pour ce député du Bundestag, cette colère exprimée par les agriculteurs fait suite à des décennies d’abandons de ce secteur par la classe politique. « Les agriculteurs allemands ont réussi à mettre l'agriculture sur le devant de la scène politique en Allemagne. Pendant de longues années, on a beaucoup parlé de la transformation de nos industries, notamment de l'industrie automobile, et maintenant les parlementaires, les partis politiques en Allemagne ont bien compris que l'agriculture, elle aussi, est en train de se transformer, et cela, depuis longtemps. Tous les partis s'occupent beaucoup plus des problèmes structurels de l'agriculture et ces problèmes-là ne tiennent pas vraiment à la question de l'impôt sur le diesel agraire. Ce sont des problèmes plus profonds liés à la politique de subvention et à la nécessité d'introduire des méthodes plus durables dans l'exploitation de nos fermes. » À lire aussiRécession et colère sociale en Allemagne Joachim Rukwied, une voix qui compte, mais pas la seule Joachim Rukwied est-il l’homme de la situation pour remettre l’agriculture allemande sur les rails ? Si c’est bien lui qui est sur le devant de la scène ces derniers jours, il n’est pas pour autant le seul représentant de ce secteur, bien que sa voix compte, comme l’explique Nils Schmid. « Monsieur Rukwied représente le syndicat d'agriculteurs le plus puissant d'Allemagne, mais il y en a huit autres qui ont été accueillis par les présidents des groupes parlementaires de la coalition gouvernementale à Berlin. Il y a des intérêts divergents au sein de l'agriculture allemande, mais je pense que, comme c'est très souvent le cas en Allemagne, il y aura un débat politique sur l'avenir de l'agriculture allemande et donc sa fédération et lui-même font intégralement partie de ces débats, tout comme d'autres fédérations plus petites qui représentent aussi...

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Le prêtre russe Alexis Ouminsky, défroqué pour avoir refusé de réciter la prière «pour la Sainte Russie»

1/13/2024
Comme le fait le pouvoir russe avec les opposants à la guerre, l’Église orthodoxe russe s’en prend aux dernières voix dissidentes. À la veille de Noël, le père Alexis Ouminsky, qui ne cachait pas son hostilité à l’opération militaire que mène l’armée russe en Ukraine, a été démis de ses fonctions de recteur de l'église de la « Sainte Trinité vivifiante » en plein centre de Moscou. Un tribunal ecclésiastique a pris la décision, ce samedi 13 janvier, de le défroquer. Figure connue et respectée du monde orthodoxe, le père Alexis Ouminsky paye pour sa liberté de ton. « On ne peut pas éprouver de la joie, du bonheur ou applaudir à une histoire où il est question d’opérations militaires. Cela cause du chagrin à tellement de gens », disait-il en novembre 2023, au micro d’Alexeï Venediktov, l’ex-directeur de la rédaction de la radio indépendante Écho de Moscou, fermée par les autorités. Cet entretien, de l’avis de certains observateurs, aurait pu être la « goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Depuis le début de l'offensive du 24 février 2022, rares ont été les prêtres de l’Église orthodoxe russe à se prononcer ouvertement contre la guerre. Formellement, ce que reproche le patriarcat au père Alexis Ouminsky, c’est de n’avoir pas récité, au cours de la liturgie célébrée dans son église, la prière « pour la Sainte Russie », un texte aux accents bellicistes, qui demande à Dieu d’accorder la victoire à la Russie. La lecture de cette prière est devenue « un test de loyauté » vis-à-vis des autorités ecclésiales, note Ksenia Luchenko, journaliste, experte des questions religieuses, qui connait bien le prêtre déchu. « Chez la majorité des prêtres qui ont une position différente de celle du patriarche Cyrille sur les questions de guerre, de géopolitique et autre, cette prière soulève de grandes questions. Lorsqu'une personne prie Dieu sincèrement pendant l’office divin, elle ne peut pas prononcer de fausses paroles dénuées de sens », souligne la chercheuse invitée dans le cadre du programme « Wider Europe » au sein du Conseil européen des relations internationales (ECFR) à Berlin. Or, pour le père Alexis Ouminsky, « il est très important d'agir de manière à ne pas éprouver de honte devant Dieu, et non devant les gens. C’est un homme très libre intérieurement, et il a toujours vécu en homme libre. C'est aussi un homme très gentil, qui sait toujours trouver des mots de soutien ou de consolation », note-t-elle. Prière à la Sainte Russie Ça n’est pas la première fois que le patriarcat de Moscou s’en prend aux prêtres qui n’adhèrent pas à cette prière. En mai 2023 dernier, le tribunal ecclésiastique de Moscou a limogé et retiré son rang de prêtre au père Ioann Koval, 45 ans, pour avoir remplacé le mot « victoire » par « paix ». Il a aujourd’hui trouvé refuge en Turquie, où le patriarcat de Constantinople a restauré son statut de prêtre, estimant que ses actions avaient été motivées par une profonde conviction en faveur de la paix. Cheveux blancs coupés au carré, barbe bien taillée, Alexis Ouminsky, 63 ans, est issu d’une famille de l’intelligentsia soviétique non-croyante. Il a été hippie dans le Moscou des années 1980, s’est fait baptiser lorsqu’il était étudiant en langues romanes et a enseigné le français. Ordonné prêtre au début des années 1990, il est resté très connecté à la vie sociale et artistique du pays. L'église de la « Sainte Trinité vivifiante », en plein cœur de Moscou, dont il était recteur depuis trois décennies, accueillait de nombreuses personnalités du monde de la culture, des journalistes, des avocats et des hommes politiques qui sont devenus ses amis. En septembre 2022, il a célébré les funérailles de Mikhaïl Gorbatchev. Pas de politique Parallèlement à son activité pastorale, le père Alexis Ouminsky est une figure médiatique. Il a pendant de nombreuses années présenté des émissions de télévision, publié de nombreux ouvrages et est très investi dans les œuvres caritatives, s’occupant d’enfants incurables, de SDF,...

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Marinika Tepic, fer de lance de l'opposition en Serbie

1/6/2024
Elle est en soins intensifs après une grève de la faim. En Serbie, Marinika Tepic est devenue l’égérie de la contestation des élections législatives du 17 décembre. La cheffe de l’opposition au président Vucic est l’Européenne de la semaine sur RFI. Marinika Tepic a choisi un moyen radical pour se faire entendre. Marinika Tepic a cessé de s’alimenter pendant près de deux semaines. On l’a vue très affaiblie, monter sur l’estrade du grand meeting organisé samedi dernier dans le centre de Belgrade. Ovationnée par les milliers de personnes descendues dans la rue pour demander la tenue de nouvelles élections. Notre envoyée spéciale Jelena Tomic a pu la rencontrer à la veille de cette manifestation dans son bureau. Elle lui a demandé ce qui l’a poussée à mettre sa santé en danger : « Ce n’est pas un acte de désespoir ou d’impuissance, ni de rage ou de déception. C’est un combat, le seul qui me donne le sentiment d’être vivante et de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que les gens de bonnes intentions nous aident. Nous appelons les pays membres de l’UE à nous aider à former une commission au niveau du Parlement ou de la Commission européenne afin d’effectuer un audit complet du processus électoral qui nous permettra d’organiser d’ici cinq ou six mois de nouvelles élections dans de bonnes conditions. » Les élections du 17 décembre ont été entachées de fraudes, constatées aussi par les observateurs internationaux. Des bourrages d’urnes, des listes électorales trafiquées ou encore des achats de voix. Certains habitants racontent ne pas avoir pu voter à distance, car quelqu’un l’avait déjà fait à leur place. Mais le président Vucic, au pouvoir depuis 2014, reste inflexible. Un visage bien connu des Serbes Avant de devenir la tête de liste de l’opposition, Marinika Tepic a eu une autre vie. Elle a été journaliste. Après un rapide passage comme enseignante, elle a travaillé douze ans pour la radio et pour plusieurs journaux. La communication, elle connaît. À 49 ans, cette mère de deux enfants est un visage et une voix connue des Serbes. Pour Nikola Burazer, directeur du think tank Centre for Contemporary Politics basé à Belgrade, elle a réussi à devenir le symbole du ras-le-bol d’une partie des Serbes : « Elle est évidemment une des figures de l’opposition depuis plusieurs années. Elle a dirigé le mouvement de colère contre les violences aux dernières élections. Et le sacrifice qu’elle a fait avec sa grève de la faim a vraiment ému beaucoup de monde dans le pays. Ça lui a donné une image de moralité et une place clé dans l’opposition. On peut s’attendre à ce qu’elle joue encore un grand rôle cette année. » Surtout, Marinika Tepic a su profiter de la vague d’émotion et de colère qui a suivi les deux tueries de masse dans des écoles serbes : 17 morts au total. Un tournant pour le pays selon Nikola Burazer : « C’est un moment clé pour briser l’apathie de la population. Parce que les Serbes sont longtemps restés passifs face à l’État. Les fusillades ont mobilisé les gens pour dénoncer un statu quo inacceptable. Ces drames ont donné naissance à une coalition d’opposition qui est de loin la plus forte depuis l’arrivée au pouvoir du président Vucic. Et cette coalition a réalisé le meilleur score pour une opposition. » Quel débouché politique ? Cela fait dix ans qu’Aleksandar Vucic dirige le pays. Et il ne veut rien lâcher. Et l’opposition a encore beaucoup de chemin à faire avant d'espérer changer la donne. Un conseiller politique de la région ne voit aucun débouché politique à cette contestation, l'opposition est encore trop faible. Mais pour le chercheur Nikola Burazer, le véritable test pour l'opposition pourrait être les prochaines élections locales : « Qu’importe ce qu’il se passe après ces législatives. Des élections locales dans la plupart du pays doivent avoir lieu au printemps prochain. On va rapidement rentrer à nouveau dans une nouvelle campagne et ce sera l’occasion de se relancer pour l’opposition. » D'ici là,...

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Russie: Alexeï Navalny, le «masque de fer» de Vladimir Poutine

12/30/2023
Ses avocats et ses proches étaient sans nouvelle depuis près de trois semaines : le prisonnier politique le plus connu de Russie est réapparu le 25 décembre, à 3 000 km au nord-est de Moscou. Alexeï Navalny, qui purge une peine de 19 ans de prison pour extrémisme, se trouve dans une colonie pénitentiaire de l'Arctique russe, dans une région particulièrement reculée aux conditions de vie difficiles. À en croire ses premières déclarations, l’opposant numéro un au Kremlin reste combatif. (Version remaniée de l’Européen de la semaine du 29 janvier 2023) « Je suis votre nouveau Père Noël » : c’est par ces mots que débute le message d’Alexeï Navalny, posté en début de semaine sur ses réseaux sociaux. L’opposant y raconte, avec son style empreint d’humour et de sarcasme, son transfert dans sa nouvelle colonie pénitentiaire au-delà du cercle polaire, où lorsqu’il regarde par la fenêtre, il dit ne voir que « la nuit, et puis le soir, et de nouveau la nuit ». Il n’a, semble-t-il, rien perdu de son mordant et de la détermination qu’il affichait le 17 janvier 2021 à son arrivée à l’aéroport de Moscou : « Je n’ai peur de rien et je vous demande aussi de ne pas avoir peur. Merci beaucoup, allons maintenant au contrôle des passeports ». À peine le contrôle des passeports franchi, de retour de sa convalescence en Allemagne, cinq mois après son emprisonnement, Alexeï Navalny était arrêté par des policiers et immédiatement placé en détention. Le défenseur des droits de l’homme russe, Lev Ponomarev, de l’institut Sakharov à Paris : « Il a fait un acte héroïque en décidant de rentrer en Russie, parce qu’il est, bien sûr, l’opposant personnel de Vladimir Poutine. Pourvu qu’il survive ». Le prisonnier personnel de Vladimir Poutine Si les violences carcérales ne sont pas un fait rare en Russie, Alexeï Navalny, celui dont Vladimir Poutine refuse de prononcer le nom, semble avoir droit à un traitement particulier, selon le politologue Fedor Krasheninnikov : « C’est le prisonnier personnel de Vladimir Poutine, c’est son "masque de fer". Le président russe considère Navalny comme un membre de l’élite occidentale. Angela Merkel est venue le voir quand il était à l’hôpital. Et comme dans son imaginaire, il est vu comme faisant partie du clan occidental, il le harcèle, un peu comme avec une poupée vaudoue ». Dans sa prison à « régime sévère » dans la région de Vladimir, à 250 km de la capitale, Alexeï Navalny était régulièrement envoyé en cellule disciplinaire ou d’isolement pour des infractions mineures au règlement, comme avoir fait sa toilette matinale 36 minutes avant l’heure réglementaire. Amaigri, visiblement éprouvé par ces journées passées au mitard, Alexeï Navalny continuait de se battre pour faire reconnaître ses droits les plus élémentaires, en intentant des procès à l’administration pénitentiaire. Il profite de ces audiences pour lancer des messages politiques, comme ici contre la guerre en Ukraine : « Vous ne me ferez pas taire avec votre cellule d’isolement. Poutine associe des centaines de milliers de personnes aux crimes qu’il commet. Il est comme la mafia, qui lie à elle par le sang des centaines de milliers de personnes ». L’opposant le plus sérieux à Vladimir Poutine continue à exister politiquement, même du fin fond de sa prison, estime un autre détracteur du président russe, qui a préféré fuir la Russie pour éviter le sort d’Alexeï Navalny, l’ancien député Dmitri Goudkov : « En continuant à rester actif en dépit de tous les obstacles, il montre à ses partisans qu’il continue à résister envers et contre tous, et cela donne de l’espoir à beaucoup de personnes ». L'optimisme comme moyen de continuer le combat Ne pas se faire oublier, continuer à exister désormais au-delà du cercle polaire : une gageure pour Alexeï Navalny, qui parvenait jusque-là à donner régulièrement des nouvelles de sa vie derrière les barreaux, dans des messages transmis par ses avocats. Pour ses militants les plus actifs, qui ont dû choisir entre la prison...

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Pedro Sánchez, l’équilibriste de la politique espagnole

12/23/2023
L’année 2023 en Europe a été marqué notamment par la capacité de Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, à résister à tous les vents contraires. Lui qui avait convoqué des élections anticipées, alors que les sondages plaçaient les conservateurs du Parti populaire en tête, a réussi à retourner la situation en sa faveur. Certes, son parti, le PSOE, n’est arrivé qu’en deuxième position lors de ces élections, mais c’est bien lui qui a été en mesure de rassembler suffisamment de soutiens pour rester au pouvoir avec un gouvernement de coalition. Un gouvernement fortement critiqué puisque parmi les faveurs accordées pour bénéficier du soutien des indépendantistes catalans, Pedro Sánchez, s’est notamment engagé à mettre en place une loi d’amnistie. Il n’a que cinquante et un ans, un âge encore jeune en politique, et il vient d’être investi pour la troisième fois comme président du gouvernement espagnol. Le socialiste Pedro Sánchez pourrait donc bien laisser sa trace dans les livres d’histoire comme étant soit le président qui a sauvegardé, voire amplifié les politiques sociales, ou soit un homme politique prêt à tout pour conserver le pouvoir. Un trait de caractère qu’il assume, détaille Maria Elisa Alonso, politologue, enseignante et chercheuse à l’Université de Lorraine. « Il vient de sortir un livre il y a une semaine, mais même dans le livre qu'il avait publié il y a un an, il se vante justement qu'il survit en fait. Donc, peut-être l'histoire se rappellera de lui comme quelqu'un qui est prêt à tout pour rester au pouvoir. D'ailleurs, c'est un reproche de l'opposition qui le prennent à négocier avec les Catalans et même les Basques pour rester au pouvoir. » Un fin connaisseur des rouages politiques Il faut rappeler que Pedro Sánchez était donné perdant avant les élections du 23 juillet et après une débâcle électorale historique pour le Parti socialiste lors des élections régionales et municipales. D’ailleurs, les conservateurs du Parti populaire pensaient la victoire acquise. Mais Pedro Sánchez, comme le rappelle Maria Elisa Alonso, est un animal politique :« Il connaît très bien les ficelles de la vie politique, des enjeux et des équilibres, dans son propre parti d'ailleurs, et même entre les parties qui forment le Parlement espagnol. Il utilise tout. Il maîtrise parfaitement les temps de négociation. » À lire aussiEspagne: le Premier ministre rencontre le chef de l’opposition dans un climat de rare tension Si Pedro Sánchez maîtrise si bien les arcanes de la politique espagnole, c’est tout simplement parce qu’il n’a pas eu d’autre choix, détaille Benoît Pellistrandi, historien et grand spécialiste de l’Espagne, auteur notamment du livre Les fractures de l’Espagne. « Pedro Sánchez est un leader politique assez exceptionnel parce qu'il ne faut pas oublier qu’en 2016, le Parti socialiste le destitue, qu'il reprend son bâton de militant et qu'il va gagner les primaires contre l'appareil du parti. C'est quand même un mort-vivant. Enfin, il est ressuscité, ce qui lui a d'ailleurs donné le sentiment d'une baraka exceptionnelle. C'est lui qui, en juin 2018, a compris que la motion de censure contre le gouvernement de Mariano Rajoy pouvait fonctionner. C'est la seule fois dans l'histoire de la démocratie espagnole qu'on a eu cette motion de censure. Et Pedro Sánchez, qui avait été choisi par les hiérarques du parti en 2014, était vu dans un premier temps comme quelqu'un qui serait facilement manipulable. Or, il a révélé des capacités extraordinaires et c'est lui qui a pris le contrôle du Parti socialiste. » Un mandat qui s’annonce compliqué Pedro Sánchez a finalement réussi à conserver le pouvoir grâce au jeu des alliances, mais est-ce que ce gouvernement très hétéroclite est à même de tenir ? C’est toute la question, car les indépendantistes catalans vont chercher à profiter de leur position de faiseur de roi pour tenter d’obtenir plus de concessions, tout comme les Basques. C’est une mandature très compliquée qui...

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Radoslaw Sikorski de retour aux Affaires étrangères polonaises

12/17/2023
La Pologne a tourné cette semaine la page de huit années de pouvoir des nationalistes du parti Droit et Justice. Le pro-européen Donald Tusk a prêté serment comme nouveau Premier ministre. L’ancien président du Conseil européen aura à cœur d’améliorer les relations avec Bruxelles et Kiev. Une tâche qu’il partagera avec son ministre des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, atlantiste et européen convaincu. « Je n’ai pas besoin de présenter M. Radoslaw Sikorski. Je ne vous referai pas son CV », a plaisanté Donald Tusk lors de son discours de politique générale devant le Parlement, provoquant les sourires de la salle et quelques applaudissements. Les deux hommes se connaissent bien. Radosław Sikorski, 60 ans, avait déjà servi au même ministère sous le gouvernement de Donald Tusk entre 2007 et 2014. « Il amène d'abord une expérience, mais aussi des contacts des réseaux internationaux parce qu’il est très bien intégré à un establishment international, avec des contacts très étroits avec les États-Unis où il a vécu et travaillé », rappelle Valentin Behr, chargé de recherche au CNRS, rattaché au Centre européen de sociologie et de science politique, qui souligne que Radoslaw Sikroski a épousé en 1992 la journaliste et écrivaine américaine Anne Appelbaum. « C’est le membre le plus expérimenté de la nouvelle équipe », note Lukas Macek, chef du centre Grande Europe consacré à l’élargissement à l’Institut Jacques Delors, « incontestablement, un poids lourd de la politique polonaise et non pas un nouvel arrivant qui devrait se présenter et espérer qu'on lui ouvre la porte ». Formé à l'université d'Oxford au Royaume-Uni dans les années 1980, où il avait obtenu le statut de réfugié politique alors que la Pologne vivait sous la loi martiale et plusieurs de ses amis avaient été emprisonnés, il rentre au pays en 1989, après la victoire de Solidarność aux élections et la chute du communisme. Il était, à cette époque, correspondant de guerre pour des médias britanniques en Afghanistan et en Angola. Proche des néo-conservateurs Atlantiste, Radoslaw Sikorski est très proche des néoconservateurs américains. « Il a été associé à l'American Enterprise Institute, leur think tank, à Washington et au Parlement européen, où il a été élu député en 2019. Il présidait la délégation européenne qui organise le dialogue transatlantique avec le Congrès américain », rappelle Valentin Behr. Parallèlement à ses activités politiques, il a aussi été maître de conférences au Centre d’études européennes de l’université de Harvard et expert au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington. « C’est un peu un intermittent de la vie politique polonaise, qui a longtemps vécu à l'étranger, qui y retourne, qui voyage beaucoup », note Valentin Behr. Un homme de l’establishment avec ses failles. En juin 2014, un hebdomadaire avait rendu publiques plusieurs conversations dans des salons privés de restaurants de Varsovie. On y entendait notamment le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Radoslaw Sikorski, critiquer les États-Unis dans un langage très direct voire vulgaire. « L'alliance avec les États-Unis ne vaut rien. C'est des foutaises complètes ! Elle est même nuisible car elle crée un faux sentiment de sécurité », affirme-t-il, ajoutant : « Nous pourrions entrer en guerre avec l'Allemagne et la Russie et prétendre que tout baigne au motif que nous avons fait une pipe aux Américains ! ». À l’époque, cette affaire douche tous les espoirs de Radoslaw Sikorski de prendre la relève d'Anders Fogh Rasmussen à l'Otan ou de Catherine Ashton à la diplomatie européenne. Les membres du parti Droit et Justice, désormais dans l’opposition, pourraient aussi être tentés de raviver cette affaire vieille de près d’une décennie. « Il y a une dimension personnelle, ces gens-là se côtoient depuis longtemps et ont beaucoup de choses à se reprocher », affirme Lukas Macek. Ministre de la Défense du gouvernement de Jaroslaw Kaczynski, Radosław Sikorski en avait...

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